La dépollution des sols représente un énorme chantier en Wallonie. Pour le mener à bien, notre région peut compter sur un nouvel acteur : Astrea Technology, dernière née des spin-offs de l’université de Liège. Lancée en février dernier, Astrea, en collaboration avec l’unité assainissement et environnement de l’ULg à Arlon, développe une nouvelle technologie pour le traitement des “lixiviats” – terme usuel désignant les eaux résiduaires (ou jus) des décharges de déchets. Le directeur de la spin-off, Christian Cambroisier, qui travaillait dans le secteur des déchets, a entrepris des démarches pour trouver des actionnaires. C’est ainsi que les sociétés Themis Holding, Spinventure et Gesval se sont montrées intéressées et sont entrées dans le capital.
Pour l’exploitant d’une décharge, le traitement de ces lixiviats est à la fois compliqué et très coûteux. Compliqué, du fait que ce type d’effluent industriel évolue dans le temps, certaines de ses matières devenant de moins en moins biodégradables. Il se peut dès lors que la technique d’épuration utilisée dans une nouvelle décharge soit inefficace dans une ancienne. Onéreux, d’autre part, parce que le site continue de produire des lixiviats après sa fermeture, durant ce qu’on appelle la période de post-gestion. « Une décharge est un peu comme un réacteur nucléaire : elle continue de fonctionner même après sa fermeture, explique Jean-Luc Vasel, responsable de l’unité assainissement et environnement au sein du département science et gestion de l’environnement de l’ULg. On a défini au niveau européen une période de post-gestion de 30 ans environ. Mais les spécialistes s’accordent à dire qu’il faut bien plus de temps encore, jusqu’à un siècle peut-être, avant que le site revienne à l’état “naturel”. Pendant cette post-gestion, l’exploitant doit supporter le coût du traitement des lixiviats sans avoir de rentrées. »
Autre difficulté encore : la Wallonie se trouve actuellement en sous-capacité de traitement. Ce qui oblige les exploitants de décharges à transporter leurs lixiviats, par camion généralement, vers des stations d’épuration ou des organismes spécialisés dans la collecte des déchets, à l’étranger quelquefois. De là le projet d’Astrea Technology de créer un centre de traitement en Wallonie, pour les Centres d’enfouissement technique (CET) dans un premier temps. « Pour les CET modernes qui collectent les lixiviats, on peut les rassembler et les traiter, tandis que, dans les plus vieilles décharges, ce sera plus compliqué parce que les jus se sont infiltrés dans le sol », précise le chercheur, ingénieur chimiste de formation.
Son unité travaille sur les lixiviats depuis une quinzaine d’années. « Nous avons testé presque toutes les techniques qui existent sur le marché. La difficulté, sur le long terme, c’est le traitement de l’azote. A volume égal, un lixiviat rejette 20 à 30 fois plus d’azote qu’une eau usée domestique », explique Jean-Luc Vasel. Le traitement classique de l’azote se fait en deux étapes. On le transforme d’abord en nitrate par oxydation : c’est la nitrification. « Les nitrates n’ont pas d’effet toxique direct sur le milieu naturel ; en revanche, ils sont gênants car il s’agit d’un engrais. En les rejetant, on peut provoquer la prolifération de plantes dans les rivières », poursuit Jean-Luc Vasel. Pour éviter cet inconvénient environnemental, on réduit l’azote par dénitrification, lequel retourne à l’atmosphère sous sa forme moléculaire gazeuse N2.
Astrea Technology proposera une nouvelle filière plus écologique, combinant deux types de traitement. « Au lieu de faire le processus classique, on s’arrête au stade intermédiaire du nitrite puis on dénitrifie. C’est plus rapide et ça consomme moins d’énergie et moins de carbone. Ensuite, on utilise des algues pour prélever l’azote restant. » Une fois le travail en laboratoire terminé, Astrea va concevoir une installation pour tester sa technologie sur site à petite échelle (quelques m3) et ainsi convaincre ses clients potentiels.
Outre le futur centre de traitement, la spin-off tirera son chiffre d’affaires de la commercialisation de son know-how dans les pays émergents où le climat est favorable à la production d’algues, mais aussi de la valorisation de biomasse (matières organiques).
Eddy Lambert
Astrea Tecnology sa, CHU-Giga, rue de l’Hôpital 11, 4000 Liège.
Contacts : tél. 0471.62 34 81, courriel info@cgi.be