Pina
Un film de Wim Wenders, Allemagne, 2011, 1h43. Avec Regina Advento, Malou Airaudo, Ruth Amarante.
A l’affiche du cinéma Sauvenière, en 3D
Depuis le perfectionnement et la propagation récente de la 3D, on attendait patiemment qu’un grand cinéaste s’empare de la technique pour poser de nouvelles questions de cinéma – des questions qui s’écartent de la simple technicité censée provoquer un effet d’immersion visuelle. Avec Pina, Wim Wenders ouvre le débat esthétique, interrogeant la stéréoscopie en visitant un monde qui peut sembler très loin du problème de la 3D, mais qui pourtant s’y prête à merveille : le cube scénique, celui de Pina Bausch en l’occurrence, grande chorégraphe décédée le 30 juin 2009.
Pina est présenté comme un documentaire, mais l’on se rend compte très vite que le film se situe à un autre niveau, plastique principalement, où la fiction est produite par ce nouveau regard, celui du spectateur qui, lunettes sur le nez, décide de jouer le jeu, de conduire son regard dans l’image, dans sa profondeur. Même si Wenders rythme son film d’entretiens qui gravitent autour de Pina Bausch, son travail tente surtout d’interpréter l’univers de la chorégraphe et d’établir par là une nouvelle relation entre le cinéma et la danse, entre l’enregistré et le vivant et, dans le cas précis de la 3D, entre la surface et la profondeur, entre l’écran et la scène. En montant sur scène, la caméra binocle devient interprète, littéralement, c’est-à-dire qu’elle interprète par ses mouvements et son intrusion, un monde construit initialement pour être vu de loin, derrière le mur virtuel de la scène.
On découvre alors cette étonnante capacité du cinéma 3D à détacher les figures (au sens de “corps”, mais également de “mouvements chorégraphiés”), avec cette liberté, probablement propre à Wenders, de laisser le spectateur se focaliser sur ce qu’il désire et donc d’éviter d’intensifier les effets de surgissement. Pina, au lieu de faire sursauter le spectateur et provoquer son recul, parvient plutôt à le capturer, l’attirer vers l’écran et le faire monter sur scène – scène qui peut dans le film être également une plage ou un jardin. Au fur et à mesure que le film avance, la 3D comme effet s’estompe pour laisser place à un nouveau type de regard : le regard voyageur, danseur, mis intelligemment en abîme lorsque Wenders décide d’intégrer dans son film des spectateurs 3D assis aux premiers rangs. Il joue alors, à travers la danse, avec la matérialité du cinéma, rappelant combien danse et cinéma peuvent partager une même réflexion sur la corporéité.
Abdelhamid Mahfoud
Voir l’article sur le site www.culture.ulg.ac.be (rubrique Cinéma)
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