Depuis toujours, toutes disciplines confondues, le monde universitaire belge a été marqué par des personnalités hors pair dont le rayonnement intellectuel a perduré bien au-delà de leur disparition. Fernand De Visscher (1885-1964) est manifestement de celles-là. Voilà en effet un homme qui, né à Gand et formé à l’université – à l’époque francophone – de cette ville avant d’y être nommé professeur après 1918, se spécialisa très tôt dans le droit romain, sans pour autant y rester confiné comme dans une tour d’ivoire. En témoignent notamment, pour se limiter au champ scientifique qui était le sien, son intérêt pour le droit international et, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la création d’une “Société d’histoire des droits de l’Antiquité” dont la première réunion à Bruxelles se tint en 1945.
« C’est dans la continuité de cette initiative que se tiendra du 19 au 24 septembre à Liège la 65e session de la Société internationale de l’histoire des droits de l’Antiquité (Sihda), observe Jean-François Gerkens, professeur de droit romain et droit privé comparé à l’ULg. Il s’agit d’un congrès qui perpétue la mémoire de son créateur – d’où l’appellation courante “Société Fernand De Visscher” – et qui attirera environ 250 participants originaires des cinq continents. Cette année, sa thématique portera sur la source des obligations dans les droits antiques. » Indépendamment de ses diverses acceptions actuelles, le terme “obligation” est issu du latin obligatus. Déjà présent en droit romain au 1er siècle avant notre ère, ce concept renvoie au “lien de droit”, à savoir celui qui existe entre deux personnes : par suite d’un contrat ou d’un délit privé. L’une sur laquelle pèse une prestation devient l’obligée de l’autre qui détient dès lors un pouvoir de contrainte sur la première. Ainsi, dès l’Antiquité, il est sans doute extraordinaire de constater que tant le contrat que le délit pouvaient avoir une même conséquence juridique : une obligation. Sur le plan des contrats, cela signifiait que ceux qui avaient été conclus devaient être respectés ; sur le plan des délits, cela damait le pion à la loi du talion en jugulant ainsi le droit à la vengeance.
Les intervenants au congrès seront amenés à disserter sur les aléas et la destinée de cette notion juridique essentielle héritée d’un lointain passé. « Pas plus de 20 minutes chacun, précise le Pr Gerkens, organisateur des journées liégeoises. Et, n’en déplaise aux utilisateurs à tout crin de la langue de Shakespeare, les séances de travail seront en principe présidées en français, même si certaines conférences pourront quand même être tenues en allemand, italien, espagnol et... anglais. » Cette priorité linguistique délibérément choisie, traditionnelle à vrai dire, a de quoi surprendre de nos jours; elle s’explique, en fait, par l’attachement indéfectible de Fernand De Visscher à la langue et à la culture françaises. Après la néerlandalisation complète de l’institution universitaire gantoise en 1930, à laquelle il s’opposa farouchement au nom de ce qu’il estimait être la vocation internationale de la Flandre, l’éminent juriste alla enseigner un temps à Lille avant de poursuivre sa carrière à l’Université catholique de Louvain jusqu’en 1956.
Evénement majeur donc, soutenu par le fonds David-Constant, que connaîtra notre Alma mater en ce début d’une nouvelle année académique. Les conférences se tiendront tantôt place du 20-Août (salle académique) et tantôt au château de Colonster. Est aussi prévue l’exhibition d’un exercice oratoire d’étudiants amenés à plaider dans une affaire judiciaire de l’époque de Justinien. « Quand je vous parlais de continuité... Du reste, la Revue internationale des Droits de l’Antiquité, également fondée par Fernand de Visscher et dont j’ai l’honneur d’assurer la direction, s’engage à publier les textes des meilleures communications faites dans le cadre du congrès », conclut Jean-François Gerkens.
Henri Deleersnijder
65e session de la Société internationale de l’histoire des droits de l’Antiquité (Sihda) Du 19 au 24 septembre, à l’ULg Contacts : courriel jf.gerkens@ulg.ac.be, toutes les informations sur le site www.sihda.org |