Dans Homo Ludens, son essai publié en 1938, l’historien hollandais Johan Huizinga s’attacha à mettre en évidence l’existence de liens étroits entre deux concepts apparemment contradictoires : le jeu et la guerre. Ces deux thèmes seront au cœur de deux journées d’étude organisées les 6 et 7 octobre par Kristine Vanden Berghe et Achim Küpper, de la faculté de Philosophie et Lettres. « Nos points de départ ont été Homo Ludens et Les jeux et les hommes - le masque et le vertige de Roger Caillois, lequel donne une réponse à l’ouvrage de Huizinga, commente Kristine Vanden Berghe, chargée de cours au département des langues et littératures françaises et romanes. Ils formulent une définition du jeu relativement semblable : le jeu ne se limite pas à l’enfance ; il est constitutif de la culture. L’idée, très discutée, défendue par Huizinga, est que la culture naît et se développe comme un jeu. »
Provocante, la comparaison entre guerre et jeu pourrait être justifiée en rappelant les nombreux jeux de guerre à travers les cultures et les siècles. L’un des traits communs les plus marquants est probablement le fait que le jeu comme la guerre sont soumis à des règles. « Selon Huizinga, reprend la chercheuse, les différentes manifestations culturelles – c’est-à-dire la guerre, la langue, la politique, les institutions juridiques – se structurent comme un jeu. Celui-ci implique l’existence de règles qui doivent être respectées. Il est un espace et un temps séparés de la vie “normale”. Ces éléments se retrouvent lorsque l’on parle de guerre. »
Spécialiste du Moyen Age, Johan Huizinga souligne le fait que l’esprit ludique de la guerre tend à disparaître à l’époque moderne. « Que se passe-t-il lorsque la règle ne fonctionne plus ?, se demande Achim Küpper, chargé de recherches FNRS au département de langues et littératures modernes. Dans les guerres modernes, les règles deviennent de plus en plus abstraites. Huizinga reste très optimiste. Il affirme que la guerre est un jeu chevaleresque. Je ne suis pas sûr que ce soit toujours le cas… » En tout état de cause, le caractère ludique mérite d’être requestionné à l’aune des nouvelles formes adoptées par la confrontation armée. Depuis quelque temps, les guerres interétatiques ont laissé la place à de “nouveaux conflits” – guérillas, attaques terroristes, guerres civiles – qui ont redéfini considérablement les lois instituées par le droit de la guerre.
Le colloque prendra corps autour de quatre volets thématiques au cours desquels des professeurs aux compétences diverses proposeront un éclairage spécifique. « L’échange entre les différentes Facultés nous a semblé important. Notre philosophie était d’accueillir le plus grand nombre de propositions, mais d’en circonscrire les sujets », assure Kristine Vanden Berghe. Une série de chercheurs se proposeront d’examiner les différentes formes que le lien entre guerre et aspect ludique peut prendre dans des domaines tels que la question nucléaire, la constitution des bibliothèques, les jeux de société, les représentations au cinéma, la littérature, la peinture et les jeux vidéo.
Sébastien Varveris
| Colloque “Guerre et jeu. Perspectives transversales” Jeudi 6 (de 9 à 17h) et vendredi 7 octobre (de 9 à 13h30), à la salle des professeurs, place du 20-Août 7, 4000 Liège. Contacts : courriels kristine.vandenberghe@ulg.ac.be ou a.kupper@ulg.ac.be |