A l’heure où l’Europe s’interroge de plus en plus sur la place des Etats-nations en son sein et sur l’impact des éléments – tant culturels et civiques que strictement historiques – susceptibles d’y préserver les fondamentaux démocratiques qui les ont forgés, la journée d’étude organisée par l’unité d’histoire contemporaine de l’ULg à l’occasion du 150e anniversaire de l’unification italienne s’avère d’une évidente actualité. En témoigne, à sa manière, le titre sous lequel elle se présente : “Le Risorgimento, l’Italie et l’Europe : histoire et mémoire de l’unité italienne”. Beau cas d’école, à coup sûr.
On sait que les principes de 1789, dont celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ont essaimé sur tout le continent européen dès la première moitié du XIXe siècle, et d’abord dans le sillage de ces “missionnaires armés” que furent les troupes révolutionnaires françaises. A bien des égards, dès avant le printemps de 1848, la Belgique est née de ces aspirations libérales et nationales. Il faudra cependant attendre une trentaine d’années pour que le mouvement du Risorgimento (ou “Renaissance”) débouche sur un processus d’unification de la Péninsule. « Entre la Belgique et l’Italie, observe Philippe Raxhon, professeur d’histoire contemporaine et président du département des sciences historiques, on peut relever une similitude dans les phénomènes d’agrégation, même si celui concernant le second de ces deux pays a été nettement plus lent que chez le premier. Par contre, on assiste aujourd’hui chez l’un et l’autre à des ressemblances dans ce qu’on est bien obligé d’appeler des signes de désagrégation. » Il suffit de penser à ce propos aux velléités d’indépendance, notamment fiscale, de la Ligue du Nord, laquelle s’oppose au centralisme romain tout en estimant que le Mezzogiorno est une charge trop lourde pour la région dont elle prétend haut et fort défendre les intérêts. Ligne politique proche des tendances séparatistes d’une N-VA pour qui la Wallonie est censée grever de trop le budget de la Flandre.
Mais, pas plus qu’une identité, fonder une nation ne se décide par simple décret. Les créateurs de la jeune Italie – Garibaldi, Cavour, Mazzini et maison de Savoie en tête – ont été confrontés à ce délicat problème. D’où, après la proclamation à Turin le 17 mars 1861 de Victor-Emmanuel II comme roi d’Italie, le défi symbolisé par la célèbre expression “L’Italie est faite, il faut faire les Italiens”. Car, à l’époque, pour se limiter à la seule dimension culturelle de la tâche, la langue italienne n’était couramment parlée que par une infime minorité de la population (à peine un peu plus de 2 %...), la grande majorité utilisant une quantité considérable de dialectes. Quant aux autres disparités et oppositions, elles étaient légion : entre Nord et Sud, villes et campagnes, papauté et monarchie, républicains et libéraux, etc. Un véritable patchwork qu’il s’agissait de rassembler en un tout commun.
Ceux qui interviendront au cours du colloque, dont plusieurs venus d’au-delà des Alpes, évoqueront évidemment dans leurs communications les divers aspects de cette construction de la nation italienne. La résonance de cette longue élaboration historique, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur du nouvel Etat, ne sera pas non plus négligée. Veronica Granata, de l’université de Rome-La Sapienza, chercheuse postdoctorale dans notre Alma mater et coordinatrice scientifique de l’événement, y fait allusion lorsque, à l’opposé d’une Ligue lombarde résolument critique à l’égard des célébrations de l’Unité, elle se réjouit que celles-ci, « encouragées et soutenues par le président de la République Giorgio Napolitano, aient connu un phénomène de “popularisation” croissante durant cette année 2011 ». Et cette cheville-ouvrière de la journée d’étude liégeoise de constater que « la récurrence du 150e a réaffirmé, entre autres, un concept de citoyenneté et de démocratie exempt de tout localisme et fortement enraciné dans un patrimoine historique, mémoriel et culturel commun, à la fois national et européen ».
Ajoutons que, parmi les nombreux soutiens de cet événement du 30 septembre, figure celui de l’Institut historique belge de Rome : c’est d’ailleurs lui qui publiera les Actes de la journée chez l’éditeur Brepols International. Enfin, en prélude le même jour à une soirée de gala au Palais provincial de Liège, sera donnée une conférence sur “Le rôle de la musique dans le processus d’unification nationale italienne”. Il eût été dommage que Verdi, celui des esclaves opprimés de Nabucco, soit oublié dans un tel contexte...
Henri Deleersnijder
Photo : Comune di Milano. Museo del Risorgimento
| Le Risorgimento, l’Italie et l’Europe : histoire et mémoire de l’unité italienne Journée d’étude, le vendredi 30 septembre, à partir de 9h, salle du Théâtre universitaire royal de Liège place du 20-août 7, 4000 Liège. Contacts : courriels veronica.granata@libero.it et p.raxhon@ulg.ac.be, site www.facphl.ulg.ac.be |