La crise que la Belgique connaît aujourd’hui n’est pas circonscrite au territoire, c’est aussi une crise de la démocratie. La démocratie représentative que nous connaissons depuis 1831 a probablement atteint ses limites. Non seulement les élections ne permettent plus aujourd’hui la constitution d’un gouvernement stable mais, paradoxalement, elles rendent également plus difficile la gestion politique du pays : lorsque les élus et leurs partis se soucient davantage de préserver leur image en vue d’un éventuel retour aux urnes que de transformer en profondeur les conditions de la crise, comment pourrait-il en être autrement ? Le climat d’élection permanente entrave la capacité d’initiative de nos élus et met à mal la recherche de solutions. D’une certaine façon, la démocratie est devenue une dictature des élections.
Loin de se satisfaire du seul rôle d’électeur, le citoyen belge devrait pouvoir profiter de sa liberté de pensée pour participer plus activement aux débats qui animent aujourd’hui nos élus. Or, si certains d’entre nous ont un peu voix au chapitre sur des questions socio-économiques cruciales, d’autres se désintéressent parfois totalement de l’actualité politique. Tel est le point de départ de la réflexion d’un groupe de 25 citoyen(ne)s, venant des quatre coins du pays et issus de ses différents secteurs associatif, académique, artistique, etc. Pour tenter de déplacer progressivement le débat de la sphère strictement politicienne à un ensemble plus vaste de citoyens, ce groupe propose une expérience inédite : un “G1000”.
Il s’agit d’ une initiative citoyenne dont l’ambition est d’apporter une nouvelle bouffée d’oxygène à notre démocratie. Concrètement, le projet est conçu comme une fusée à trois étages. D’abord – et elle est vient d’être lancée –, une enquête en ligne de grande envergure pour connaître les priorités des habitants de la Belgique. Sur le site du G1000, chacun trouvera l’occasion de soumettre quelques idées, de défendre les thèmes urgents à traiter et de se confronter de manière critique aux propositions des autres. Ensuite, une journée de délibération le 11 novembre prochain rassemblera à Tour & Taxis à Bruxelles 1000 personnes sélectionnées de manière indépendante et aléatoire afin de refléter la diversité de notre pays. Rassemblés autour de 100 tables de 10 personnes, ces personnes choisies au hasard et préalablement armées des connaissances techniques nécessaires à la discussion tenteront d’élaborer quelques propositions relatives aux thèmes jugés prioritaires. Enfin, un plus petit groupe, dans les mois qui suivent, affinera ces propositions pour formuler des suggestions concrètes.
Au cours de ces dernières années, un peu partout dans le monde, ont fleuri des expériences délibératives dont plusieurs ont été menées à l’université de Liège. Ces expériences le prouvent : bien informés, les citoyen(ne)s ordinaires que nous sommes peuvent se faire une opinion nuancée et mûrement réfléchie sur certains aspects cruciaux de l’avenir d’une société et peuvent ainsi faire des propositions utiles et applicables. Le G1000 n’est ni apolitique (il ne nie pas les conflits inhérents à tout vivre-ensemble) ni antipolitique (il ne rejette pas la politique) ; il est ouvertement politique et propose une version renouvelée de la démocratie, encore à construire.
Le G1000 est avant tout une expérience, dont l’issue dépendra de l’engagement de chacun et chacune. Les 25 personnes à l’initiative du projet n’ont pas voulu se positionner a priori quant au bien-fondé des propositions qui pourraient émerger de ces délibérations (aucun parti n’a été pris, pour ne prendre qu’un exemple, quant à l’éventualité d’une séparation des communautés). Nous voulons surtout contribuer à déplacer le débat, à l’élargir et à le vivifier – sans préjuger encore de son contenu. Depuis le lancement du projet, nombreux sont ceux et celles qui se sont manifestés positivement. Des sous-groupes de réflexion se sont développés dans plusieurs grandes villes du pays, et notamment à Liège.
Les défis auxquels nous devons faire face nécessitent une réaction rapide, originale et efficace... Les citoyens peuvent y contribuer : c’est le pari un peu fou du G1000.
Maud Hagelstein, Min Reuchamps et Fatima Zibouh
Voir le site www.g1000.org