Octobre 2011 /207
Octobre 2011 /207

Un crustacé de plus en Méditerranée

CaprellaNoirParfois, les découvertes se font incidemment. A l’image de Caprella tavolarensis, une nouvelle espèce de crustacé amphipode, récemment repérée par Nicolas Sturaro, doctorant au laboratoire d’océanologie*. « Je ne suis pas taxonomiste, précise d’emblée le chercheur. J’étudie l’influence des aires marines protégées sur les populations d’amphipodes associées aux herbiers à Posidonia oceanica en mer Méditerranée. » Son échantillonnage s’effectue au nord-ouest de Stareso en Corse et sur la côte nord-est de la Sardaigne, à l’aire marine protégée de Tavolara-Punta Coda Cavallo

Et la lumière fut

A l’aide d’un “aspirateur sous-marin” et aussi grâce aux “pièges à lumière”, sortes de cylindres percés de fentes à l’intérieur desquels une source lumineuse attire les amphipodes, les prélèvements sont effectués et les spécimens rassemblés. Observés ensuite minutieusement grâce à la microscopie optique et, dans certains cas, à la microscopie électronique à balayage, tous les amphipodes sont passés au crible. Et cette fois, surprise ! Un nouveau venu est au fond du panier !

« Chaque partie du corps est détaillée et ensuite comparée avec celle des espèces considérées comme les plus proches, reprend le chercheur. Dans ce cas précis, j’ai rapproché Caprella tavolarensis – ainsi nommée en référence au lieu de sa découverte – avec Caprella liparotensis, connue en Méditerranée depuis le XIXe siècle, et Caprella wirtzi, une espèce découverte en 2005 au Cap-Vert. » L’analyse scrupuleuse a mis en évidence une série de dissemblances morphologiques qui font de Caprella tavolarensis une espèce à part entière, laquelle rejoint ainsi les 450 autres espèces d’amphipodes décrites en mer Méditerranée et les 40 espèces du genre Caprella.

« Sa taille oscille entre 2 et 4 mm chez les femelles et entre 3 et 6 mm chez les mâles, poursuit Nicolas Sturaro, ce qui est relativement petit puisque les espèces les plus proches atteignent généralement 6 mm pour les femelles et 10 mm pour les mâles. » Mais, malgré cette taille microscopique, l’espèce représentait 37% de la faune totale d’amphipodes de la zone protégée étudiée. « Par endroits, notre étude évalue une population de 270 individus par m2. En revanche, dans les zones peu protégées, seuls quelques rares spécimens ont été récoltés. » Les chercheurs ont constaté en outre que cette espèce – comparativement avec ses proches cousines – est très peu soumise à la prédation des poissons. Probablement à cause de sa très petite taille qui lui permet de passer inaperçue…

 

“Déposer” une nouvelle espèce

Découvrir et analyser la morphologie d’une nouvelle espèce ne suffisent pas au bonheur des scientifiques. Encore faut-il la référencer. Comme pour une marque ou un brevet, il faut “déposer” chaque nouvelle espèce. « En pratique, il s’agit de choisir le spécimen qui sert à la description (l’holotype), le décrire avec précision, le dessiner, le nommer et le consigner dans un musée, explique le chercheur. Il faut également sélectionner d’autres spécimens permettant de déterminer la variation morphologique intraspécifique, ce qui nécessite la collaboration d’un taxonomiste reconnu pour son travail. »

C’est ainsi que Nicolas Sturaro a fait appel au 
Dr José Manuel Guerra-Garcia, du laboratoire de biologie marine de l’université de Séville. Et c’est au Musée d’histoire naturelle de Vérone, qui compte l’une des plus grandes collections d’amphipodes en Europe, que le chercheur a confié les spécimens de Caprella tavolarensis.

Elise Dubuisson

Article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Terre/océanologie)


Avec l’aide des Drs Sylvie Gobert et Gilles Lepoint (laboratoire d’océanologie de l’ULg) et des Drs Augusto Navone et Pier Panzalis, respectivement directeur et responsable environnement du consortium de gestion de l’aire marine protégée de Tavolara-Punta Coda Cavallo.

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