Octobre 2011 /207

Un implant contre les migraines

Si de simples maux de tête peuvent nous rendre la vie impossible, ils restent très peu douloureux par rapport aux algies vasculaires de la face. Douleurs chroniques unilatérales, celles-ci sont très intenses, parfois intolérables. Les crises, souvent nocturnes, peuvent survenir plusieurs fois dans une même journée et durer entre une demi-heure et et trois heures. Outre la douleur, elles provoquent du même côté congestion nasale, rougeur de l’œil, larmoiement et gonflement des paupières.

Un microstimulateur à activer soi-même

« Cette pathologie touche une personne sur 1000, une incidence comparable à celle de la sclérose en plaques, explique le Pr Jean Schoenen, directeur de l’unité de recherches sur les céphalées au Giga-neurosciences du CHU. Dans la grande majorité des cas, le traitement le plus efficace est l’injection sous-cutanée de sumatriptan (Imitrex) et l’inhalation d’oxygène pur par masque. Cependant, certaines personnes ne peuvent recevoir le sumatriptan à cause d’un risque cardiovasculaire trop élevé. De plus,10% des patients développent la forme chronique de la maladie et deviennent résistants à ces médicaments. Dévastés par cette affection aiguë, ils ont parfois des comportements suicidaires. »

La cause exacte de ce type de céphalée est encore mal connue, mais cela fait plusieurs années que les chercheurs savent que le ganglion sphéno-palatin joue un rôle dans la survenue et l’entretien des crises. Ce ganglion, logé dans la fosse du même nom derrière la mâchoire supérieure, innerve du même côté les glandes de la moitié du visage et est en communication avec les fibres nerveuses du nerf trijumeau, lesquelles conduisent la douleur. « On peut interrompre une crise en touchant le fond de la narine avec un coton d’ouate imbibé de liquide de Bonain qui paralyse le ganglion tout proche. En se basant sur ces informations, le Dr Jean-Claude Devoghel de l’ULg a mis au point dans les années 1980 un traitement par injection d’alcool dans le ganglion sphéno-palatin via la tempe », explique Jean Schoenen. Efficace, la technique n’en demeure pas moins transitoire.

En 2010, le Dr Ansirinia et ses collègues de Las Vegas ont stimulé le ganglion avec une électrode : la stimulation à haute fréquence du ganglion sphéno-palatin a interrompu les crises dans 78% des cas. « A partir de ces résultats, une entreprise californienne, Autonomic Technologies Inc, a développé un microstimulateur à implanter près du ganglion sphéno-palatin via la gencive de la mâchoire supérieure. » Elle prend la forme d’un petit implant en polymère dépourvu de pile et adaptable à l’anatomie de la fosse sphéno-palatine. Le patient peut activer la microélectrode à la demande en plaçant un petit générateur de champ électro-magnétique sur la joue.

La technique d’implantation a été mise au point à Liège dans le service de chirurgie maxillo-faciale et d’ORL du CHR de la Citadelle. Les premiers essais ont été réalisés sur des cadavres dans les nouvelles salles de dissection et de travaux pratiques du service d’anatomie au CHU du Sart-Tilman. « Il s’agit de placer l’implant à un endroit bien précis près du ganglion, sans toucher la deuxième branche du nerf trijumeau, reprend le professeur. Quand une crise commence, le patient place une petite manette sur sa joue qui génère un champ électromagnétique. Ce champ active le microprocesseur qui va à son tour produire une stimulation électrique à haute fréquence du ganglion sphéno-palatin pendant 15 minutes. Cette stimulation bloque le trafic nerveux au niveau du ganglion. » Cette nouvelle technique étudiée simultanément dans cinq autres pays d’Europe est coordonnée par l’université de Liège. Elle inclut en double aveugle une phase où certaines stimulations sont fictives (stimulations “placebo”) et a déjà fourni des résultats préliminaires très encourageants.

A l’heure actuelle, 22 personnes ont un implant et les médecins ont des résultats pour sept d’entre elles. « 70% des crises ont été arrêtées 15 minutes après la mise en route du microstimulateur, explique Jean Schoenen. Par ailleurs, nous avons constaté que, chez certains patients, la stimulation répétée du ganglion sphéno-palatin diminuait la fréquence des crises. » L’enthousiasme est donc de mise chez les chercheurs et les malades, d’autant que les effets secondaires de l’implant sont très légers.

Un espoir raisonnable

Dans la mesure où le ganglion sphéno-palatin pourrait également jouer un rôle dans les migraines, les chercheurs ont mis au point un protocole d’étude pour cette pathologie qui touche une femme sur cinq. « Les résultats dans le cluster “headache” doivent être confirmés sur le long terme, mais ils sont suffisamment encourageants pour tester également la microstimulation dans les cas de migraine sévère, d’autant que 30-50% des migraineux ont aussi un œil rouge et larmoyant, ou le nez bouché pendant les crises », conclut le Pr Jean Schoenen. L’étude vient de commencer.

Elise Dubuisson

Article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Vivant /médecine)

|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants