Les bols chantants “tibétains”, parfois utilisés chez nous lors de séances de méditation, résonnent harmonieusement lorsqu’on les frappe et produisent une “mélodie” envoûtante lorsqu’ils sont frottés à l’aide d’une mailloche. Lorsqu’ils sont remplis d’eau, un autre phénomène apparaît : dès qu’on frotte la circonférence du bol, la surface du liquide cesse d’être plane. Des ondes apparaissent, bientôt suivies, si on poursuit le mouvement, par l’apparition de gouttes, comme si le liquide se mettait à bouillir. Des gouttes qui semblent “léviter” au-dessus de la surface liquide. Un jeune physicien liégeois, Denis Terwagne, chercheur au Group for Research and Applications in Statistical Physics (GRASP), a modélisé les phénomènes à l’œuvre dans ces bols (ou dans votre verre à vin...) lors d’un séjour au MIT à Cambridge aux Etats-Unis.
Il se produit un phénomène de “stick-slip” (accroche-décroche), un peu comme avec l’archet sur la corde du violon. Le bol s’accroche à la mailloche, puis s’en détache et ainsi de suite. Il y a déformation du bol selon deux axes. C’est cette déformation qui produit le son et c’est elle qui est à l’origine des ondes – dites de Faraday – qui apparaissent à la surface du liquide. Lorsque celles-ci ont acquis une amplitude suffisante, elles se brisent pour former les gouttes.
Les ondes n’apparaissent pas directement. Cela est dû à la viscosité du liquide. Si celle-ci était nulle (un superfluide en quelque sorte), le phénomène serait immédiat. Mais tout liquide, même l’eau, a une certaine viscosité qui retarde l’apparition du phénomène. Bien entendu, plus le liquide a une viscosité élevée, plus le phénomène met du temps à se déclencher. Denis Terwagne a également montré que la taille des gouttes obéit à une loi très simple : elle est inversement proportionnelle à la fréquence. Autrement dit, plus la fréquence est élevée, plus les gouttes seront petites. Enfin, il a pu aussi montrer que les gouttes rebondissent sur le film d’air qui se forme à la limite des ondes, ce qui leur donne cette impression de flotter.
Au passage, Denis Terwagne a aussi démythifié certains arguments de vente : les transferts d’ions ou autres calembredaines n’ont rien à voir avec votre fontaine brumisatrice, plutôt à la mode en ces temps de recherche de bien-être. Il s’agit simplement d’un transducteur piézoélectrique en céramique placé au fond de l’eau, qui émet à une fréquence très haute (ultra-sonore, donc inaudible par l’oreille humaine). Mais comme la taille des gouttes est inversement proportionnelle à cette fréquence, les gouttes qui se forment dans ce dispositif sont minuscules (le modèle mathématique développé par Denis Terwagne permet d’en calculer le diamètre : pour un quartz émettant à une fréquence de l’ordre du MHz, la taille des gouttes est de l’ordre du micromètre !). C’est donc du brouillard qui s’échappe de la fontaine et se répand dans votre salon ! Sous l’effet des vibrations. Tout simplement.
Henri Dupuis
Photos © Stéphanie Krins
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