Un film de Nadine Labaki, France, Liban, 2011, 1h50.
Avec Leyla Fouad, Antoinette El-Noufaily, Nadine Labaki, Claude Msawbaa.
A voir aux cinémas Churchill, Le Parc et Sauvenière.
Après Caramel, sorti en 2007, Nadine Labaki revient avec un film qui, bien que formulé comme une question, est surtout un cri d’espoir à la fois intense et naïf. Et maintenant on va où ? propose une lecture formellement symétrique des oppositions au Liban, où les femmes jouent un rôle tout aussi primordial que loufoque dans la mise en place de la paix entre chrétiens et musulmans.
Le film s’ouvre sur une scène de deuil : des femmes vêtues de noir s’approchent lentement d’un cimetière coupé en deux, les croix d’un côté et les stèles de l’autre. Elles se mettent alors à exécuter des pas de danse retenus, rythmés par des fléchissements de la tête. La résolution de ces femmes est prise : c’est le dernier qu’on enterre. On découvre alors progressivement une capsule du Liban où les mères et les jeunes filles jouent à canaliser l’information, littéralement. Labaki propose une idée du conflit comme étant le résultat d’une surinformation, avançant l’hypothèse relativement naïve que le monde serait meilleur si, finalement, “on n’avait pas besoin de savoir”.
Éloigné de la ville, ce petit monde a principalement accès à l’information par l’intermédiaire de la radio et des journaux, minutieusement contrôlés par ces agentes qui, dès qu’elles apprennent qu’il y a eu conflit à l’extérieur de la capsule, mettent en place des subterfuges pour détourner l’attention des hommes. Labaki mène par ailleurs une brève réflexion sur la télé, au cours d’une scène où les villageois se retrouvent en haut d’une colline (là où se capte le seul signal) pour partager quelques images ondulées, ou du moins un zapping de séquences dont on aura bien entendu retiré tout ce qui touche à la politique.
La cinéaste-actrice consacre quelques scènes essentielles à faire part, très sérieusement, de sa lassitude face au comportement des hommes, rompant par à-coups le ton humoristique de son film. Labaki est au final comme une enfant qui pense à sa mère, qui pense à toutes les mères qui perdent leurs enfants. Elle est comme une enfant, parce qu’elle prend la symétrie comme mode candide de réflexion sur le monde. La symétrie est ici formée par cette ligne qui sépare l’église et la mosquée, mais c’est surtout le fait de penser que par simple projection orthogonale, on puisse se retrouver de l’autre côté. Cette idée omet pourtant la pensée du mélange et de l’interaction, que Labaki semble négliger dans son style même : elle se trouve obligée de séparer le drame de la comédie, faisant fonctionner son film comme une succession de ruptures stylistiques. On peut éventuellement lui reprocher de peiner à trouver sa propre définition de la comédie dramatique, celle où il s’agirait de faire sourire au moment précis où il n’est plus question de rire, et inversement.
Abdelhamid Mahfoud
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