A Saint-Tropez, il y a “les voiles”, rassemblement post-estival de voiliers d’exception et “la voile” de Charlotte Hilliard, étudiante en 2e bac de médecine vétérinaire et championne d’Europe de Hobie Cat 16. Catamaran le plus vendu au monde depuis sa création en 1971, ce bateau à deux coques de 5 m de long n’autorise pas les luxueuses forfanteries des yachtmans milliardaires mais offre l’ineffable joie de planer à deux au trapèze au-dessus de l’eau. Et, louvoyant entre les yachts intégrant une salle de sports et un hélicoptère avec accessoires, notre Française ne boude pas le plaisir de ses 20 ans : « J’aime la sensation de vitesse, la mer, me sentir libre à l’air libre. La voile, c’est aussi le plaisir de retrouver les copains... » Et le premier d’entre eux est Orion Martin, avec qui elle a arraché le titre de champion d’Europe toutes catégories (sans spi) au début du mois d’août en Autriche.
Pourtant, la victoire n’était pas courue d’avance pour ces deux-là, même en regard du palmarès déjà bien étoffé de Charlotte et de son inaltérable bronzage : championne de France en 2009, championne d’Europe et 9e aux championnats du monde en Chine en 2010. Son coéquipier barreur s’étant fracturé une jambe au mois de mars, les entraînements ont dès lors été réduits à néant avant le jour de la régate. Mais à tout prendre, il serait faux d’affirmer que ces entraînements constituent le premier atout pour franchir la ligne d’arrivée en tête. « Je ne pratique la voile que quand je rentre chez moi à Saint-Tropez, avoue Charlotte. J’en fais plusieurs jours d’affilée et tout l’été. Mais en Belgique, à part aller courir, travailler mes abdominaux et suivre des cours de step et de cardio au RCAE, je ne fais pas grand-chose. »

Hormis les écoutes de voiles, quelles sont alors les bonnes ficelles pour faire la différence face aux autres concurrents ? « J’ai un caractère qui fait que j’aime gagner, souligne la championne. Mon poste d’équipière consiste en l’observation du plan d’eau et des autres catamarans, au réglage des voiles et à l’élaboration de la tactique. Notre duo doit être fort physiquement mais surtout endurant… et malin. Lorsqu’on arrive à proximité des bouées où tous les bateaux se pressent, il s’agit souvent de trouver le petit trou pour pouvoir se faufiler. Au plan technique, je ne dois plus vraiment progresser. »
En marge de toutes ces qualités, demeure aussi le facteur “chance” qui servit également Charlotte à l’entame d’un cursus universitaire dans son marigot liégeois. Après des études sportives inspirées par son père marin et prof de sports programmant de la voile quatre jours par semaine pendant quatre ans, elle eut la chance de voir son dossier tiré au sort en Belgique juste avant de se résoudre à tenter le concours français. C’est grâce au statut d’étudiante sportive qu’elle a pu manquer, l’an passé, un cours de travaux pratiques pour participer à une compétition. Mais, son objectif restant de réussir dès la première session afin de ne pas manquer les compétitions qui battent leur plein durant l’été, la Varoise n’aura pas abusé de l’excuse. Reste à voir si le postulat demeurera tenable après les championnats du monde qui serviront également de démonstration aux jeux de Londres, à la fin du mois de juillet. « Notre bateau sera normalement support olympique pour les jeux de Rio en 2016. Du coup, en tant que n°1 français, nous risquons d’entrer en préparation olympique. On verra au jour le jour, mais je veux être à la fois médecin vétérinaire et championne olympique », avance Charlotte… avant de décocher un large sourire traduisant autant sa sympathie que son calme marmoréen.
Fabrice Terlonge