Dans la Fédération Wallonie-Bruxelles, un enfant sur 100 ne vit pas dans sa famille biologique. Sur 600 000 mineurs francophones, 6000 environ grandissent hors de leur foyer d’origine : la moitié en internats et institutions publiques de protection de la jeunesse, et une petite moitié en familles d’accueil.
Il y a plusieurs types de famille d’accueil. On distingue principalement celles appartenant à la famille élargie de l’enfant (accueil intrafamilial) et celles sélectionnées. Ces dernières font aujourd’hui défaut. Alertée, la fondation roi Baudouin, avec le soutien de la ministre de la Jeunesse et de l’Aide à la jeunesse, a confié une recherche sur cette problématique au Panel démographie familiale de l’Institut des sciences humaines et sociales (ISHS) de l’ULg. Au travers de questionnaires et d’entretiens réalisés au sein des familles d’accueil, l’équipe dirigée par Marie-Thérèse Casman de l’ISHS a cherché à mieux connaître le profil des familles, à identifier leurs besoins et à évaluer leurs rapports avec les différents services qui interviennent dans le placement. Intitulée “A la rencontre des familles d’accueil : profils, vécus, attentes”, l’étude a été récemment présentée et est disponible sur le site de la fondation roi Baudouin*.
Actuellement, la liste des placements en attente est longue. Du côté francophone, il manquerait environ 200 familles d’accueil. « On attribue cette pénurie à plusieurs facteurs, dont l’accroissement de l’individualisme dans la société, postule Marie-Thérèse Casman. Cela tient également au fait que les femmes sont plus actives en dehors du foyer et ont moins de temps à consacrer à un enfant qui demande beaucoup de soin et d’attention, sans compter les éventuels frais de santé à prendre en charge. Bien souvent, des visites chez un logopède, un psychologue ou un psychiatre sont nécessaires. De plus, le rôle des familles d’accueil est méconnu et peu valorisé dans la population. » Même si elle est nécessaire, la longueur de la procédure de recrutement s’étalant généralement sur neuf mois – tout un symbole – peut également décourager les familles candidates, si bien que 75 % d’entre elles renoncent en cours de route.
En outre, contrairement à l’adoption encadrée par le droit de la famille, les parents d’accueil ne bénéficient toujours pas de statut légal. Dans l’étude réalisée par l’ISHS, 73 % des répondants au questionnaire seraient favorables à l’existence d’une “assise légale leur reconnaissant certains droits”. Celle-ci leur permettrait d’intervenir plus facilement dans les décisions quotidiennes. En effet, même lorsque les relations entre les parents d’origine et la famille d’accueil sont satisfaisantes, cette dernière craint que l’enfant retourne dans un milieu peu bénéfique sans qu’elle puisse agir. Notons cependant que l’esprit du décret de mars 1991 relève davantage du supplétif que du substitutif.
Une nouvelle campagne de sensibilisation en faveur de l’accueil familial vient d’être lancée par le cabinet Huytebroeck. Des moyens supplémentaires vont être alloués, renforçant le rôle d’encadrement des familles réalisé par les services de placement familial. Si 61 % des familles d’accueil conseillent vivement la démarche, d’importants efforts restent à entreprendre afin d’aider les parents d’origine à surmonter leurs difficultés. A défaut d’un retour de l’enfant dans la cellule familiale, travailler au maintien d’un lien affectif sain et durable reste une priorité.
En 2008, l’ISHS avait déjà, à la demande de la Fédération des services de placement familial et le fonds social des Institutions et services d’aide aux jeunes et aux handicapés (Isajh), arpenté ce terrain en récoltant, dix ans après leur majorité, la parole des jeunes autrefois placés dans des familles. Une soixantaine de jeunes avaient été interrogés : manifestement, l’évolution de ces jeunes était globalement positive même s’ils manifestaient certaines fragilités, notamment en termes d’accès à un diplôme supérieur. La plupart d’entre eux avaient par ailleurs conservé des relations avec leurs parents d’accueil.
Sébastien Varveris
* Fondation roi Baudouin www.kbs-frb.be