Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne
Un film de Steven Spielberg, USA, 2011, 1h50.
Avec Jamie Bell, Andy Serkis, Simon Pegg, Daniel Craig, Gad Elmaleh, Nick Frost.
A voir aux cinémas Churchill, Sauvenière et Le Parc.
Depuis ses débuts, Tintin a été un héros qui s’exporte. D’abord parce qu’il n’a cessé de voyager et d’explorer le monde, et ensuite parce que ses albums ont été traduits dans des dizaines de langues. Après une attente patiemment entretenue par des rumeurs et nourrie de fantasmes, voilà qu’il nous revient en pleine face, tout droit de Hollywood, pilotant les engins dans lesquels on l’a connu et animé d’une motricité qui, bien qu’elle soit fidèle à cette esthétique de la vitesse chère à Hergé, peut conduire le spectateur à se poser quelques questions sur le projet même de l’adaptation.
« C’est trop bien fait », entendra-t-on dans la salle, dès les premières images du film. Il y a peut-être, effectivement, dans cette nouvelle prouesse technique proposée par Steven Spielberg et Peter Jackson, quelque chose de “trop” qui, pour les puristes de la bande dessinée, peut poser problème mais qui, pour les amateurs et les analystes des nouvelles images, peut fasciner et se poser comme objet expérimental troublant la limite entre l’animation et le cinéma en prises de vue réelles.
Ceux qui connaissent les albums de Tintin (tout le monde ?), et a fortiori les fans, auront sans doute une forme de résistance involontaire quant à cette nouvelle adaptation. Ils risquent en effet de rester étrangers au film, de le regarder comme un objet éminemment technique, omettant le principal, qui reste, ceci, dit assez connu : l’aventure dans ce qu’elle a d’entraînant et d’intrigant. Dans ce monde en relief, on risque de n’être surpris que par les pupilles, le rendu de la fameuse houppette animée par le vent, les poils de nez du capitaine Haddock et autres effets naturalistes qui ne font au final que montrer à quel point le style épuré d’Hergé était singulier. Et à quel point celui-ci contenait déjà, dans son story-board, une idée efficace du film d’action.
Paradoxalement, dans une modélisation tridimensionnelle aussi profondément marquée par les effets de réalisme et de ressemblance, on se surprend constamment à se demander si, dans ces images, on arrive à reconnaître et personnifier le Tintin original. Est-ce sa voix (et le fait de l’entendre parler anglais n’aide pas du tout) ? Est-ce sa manière de se mouvoir et de s’exprimer ? Est-ce sa manière de regarder ? Question d’autant plus perturbante que le personnage est un reporter amené à explorer le monde et que la ligne claire qui a servi à le dessiner a toujours représenté ses yeux par deux points noirs.
Le parti pris de la production a été d’assumer complètement, de manière très classique, la transposition d’un espace 2D en un espace 3D (rendu époustouflant, surtout dans les scènes de poursuites), et de n’interroger la représentation que très peu. Au début par exemple, lorsque Tintin pose devant un dessinateur (Hergé) et que celui-ci produit le vrai Tintin, celui qui se trace sur une surface. Voilà que s’inverse le jeu de la représentation et que la copie prend la place de l’original. C’est peut-être là le principe de l’adaptation, qu’on aurait aimé voir à l’œuvre de manière plus réflexive, puisque l’histoire, même si elle a été retouchée, on la connaît déjà.
Abdelhamid Mahfoud
Si vous voulez remporter une des dix places (une par personne) mises en jeu par Le 15e jour du mois et l’asbl Les Grignoux, il vous suffit de téléphoner au 04.366.48.28, le mercredi 16 novembre de 10 à 10h30, et de répondre à la question suivante : en quelle année est paru l’album Le Secret de la Licorne ?