Le débat est vif. Deux chercheurs liégeois, Annie Cornet et Christophe Cusumano (HEC-ULg) expliquent la politique des quotas en Belgique et en France dans un article à paraître dans L’encyclopédie de la Diversité : regards croisés. Pour diverses raisons, certaines catégories de la population éprouvent des difficultés à accéder à l’emploi ou à des postes à responsabilités. C’est pourquoi plusieurs pays européens s’efforcent de corriger ces déséquilibres en instaurant des quotas de façon à promouvoir la diversité professionnelle.
Définition
Le quota, c’est un objectif chiffré par la loi ou décidé par une organisation. Pour atteindre le quota désiré, on peut entreprendre des “actions positives” envers un groupe-cible (femmes, hommes, jeunes, travailleurs âgés, d’origine étrangère, etc.) ou des “discriminations positives”, qui accordent un traitement préférentiel aux personnes appartenant aux groupes jugés prioritaires. En France, il existe des quotas pour le handicap et pour l’égalité entre hommes et femmes dans les conseils d’administration et l’apprentissage. En Belgique, il en existe également pour le handicap et pour l’égalité hommes-femmes dans les CA.
En France, la loi impose aux entreprises de plus de 20 salariés d’employer 6% de handicapés. En Belgique, l’Etat n’a fixé des quotas que pour les services publics, lesquels doivent employer des handicapés à concurrence de 3% de leur effectif. Mais les contrôles et les sanctions sont relativement rares.
Les femmes restent sous-représentées dans les fonctions dirigeantes. La moyenne européenne est de 11,7% de femmes dans les CA. Plusieurs pays ont déjà installé des quotas pour remédier à cette situation. La France et la Belgique leur ont emboîté le pas en 2011. En France, la loi fixe des quotas pour les 2000 plus grandes entreprises : en 2017, la proportion des membres du CA de chaque sexe ne pourra plus être inférieure à 40%, sanctions à la clé. En Belgique, le 2 mars 2011, une commission de la Chambre a approuvé une proposition de loi qui imposerait, dans un délai de cinq à sept ans, la présence de 30% de femmes dans les CA des entreprises cotées en Bourse et dans les entreprises d’Etat.
Les quotas sont généralement justifiés par le fait que seule la contrainte légale, assortie de sanctions, permettrait de remédier à la sous-représentation des publics-cibles dans l’emploi. Par ailleurs, les quotas, en montrant que l’intégration des personnes discriminées est possible, participent à l’évolution des mentalités, réduisant progressivement les préjugés.
L’un des premiers arguments adverses est l’entrave à la faculté, pour l’employeur, de choisir librement les personnes qu’il désire intégrer dans son entreprise. En corollaire, on évoque le risque de devoir préférer, à un candidat compétent, une personne qui l’est moins mais que l’on engage en raison d’une caractéristique physique (sexe ou handicap). On peut aisément imaginer que la position de cette personne sera difficile, quel que soit son niveau de compétence. Ainsi, les quotas sont parfois perçus comme pouvant poser des problèmes aux personnes qui en bénéficient.
Peur positive
D’une manière générale, observent les chercheurs liégeois, l’observation du développement des quotas en Europe montre que l’on passe peu à peu d’une politique de soft law à une politique de hard law : il ne s’agit plus de promouvoir la diversité et la lutte contre les discriminations dans l’emploi en faisant appel à la simple “bonne volonté”, mais par des mesures plus coercitives. Cette évolution est cependant loin de rallier l’unanimité. La peur de voir surgir des législations contraignantes n’a cependant pas que des effets négatifs : elle incite certaines organisations patronales à recommander à leurs affiliés de faire progresser la diversité dans leurs politiques de recrutement, afin d’éviter que des quotas leur soient imposés par voie d’autorité.
Jacques Gevers
Article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Société/gestion).