Décembre 2011 /209
Décembre 2011 /209

Connecter le monde

Liège a présenté sa candidature à l’Exposition internationale de 2017 devant les représentants des 157 pays membres du Bureau international des Expositions (BIE) réunis à Paris, le 24 novembre. “Connecting the World, Linking People”, tel est le thème choisi pour cette exposition qui se tiendrait à Coronmeuse, au nord de Liège.
Christelle Ruelle, chercheure au Lema (faculté des Sciences appliquées), et Patrick Herné, chargé de cours au département de pharmacie, envisagent ce thème à l’aune de leur spécialité.

RuelleChrisitineLe 15e jour du mois : Liège projette de situer l’Exposition à Coronmeuse et évoque la construction d’un “écoquartier”.

Christine Ruelle : C’est évidemment une excellente idée de prévoir la reconversion du site, de surcroît en écoquartier, même si ce beau projet ne doit pas éclipser le fait qu’en matière de développement urbain durable, l’enjeu majeur se situe dans la régénération des quartiers urbains existants.
Concrètement, il n’existe pas de définition précise de l’écoquartier mais une série de critères communément admis comme la densité de l’habitat (de 40 à 100 logements à l’hectare), une large place donnée au végétal et aux espaces publics, la mixité sociale, la mobilité “douce”, la gestion de l’eau, des déchets, et bien sûr la performance énergétique.
Cet écoquartier serait implanté à la place de la FIL – qui déménagerait à Droixhe – face au bâtiment qui abritait jusqu’il y a peu la patinoire. Cet édifice qui date de l’Exposition internationale de Liège en 1939 est évidemment symbolique et le réhabiliter pour l’exposition, une bonne idée. Mais que va-ton en faire ensuite ? C’est un enjeu important de l’opération.
Par ailleurs, il est indispensable également de réfléchir à la manière dont cet écoquartier va s’insérer dans le tissu existant, entre Droixhe, Saint-Léonard et Marexhe ?

Le 15e jour : Connecter le monde pour rapprocher les hommes ?

Ch.R. : Effectivement, ce doit être un objectif à l’échelle locale aussi ! Il faut veiller à favoriser un dialogue entre les futurs habitants de ce quartier (d’ailleurs, qui seront-ils ?) et les populations voisines, car cela ne va pas de soi. Il faut bien sûr prévoir des liaisons physiques qui offrent aux quartiers voisins une meilleure accessibilité au site qu’aujourd’hui. Mais ce dialogue doit aussi s’envisager sous l’angle des fonctions : l’accent est mis sur les espaces verts et la promenade, ce qui est très bien, mais il y a d’autres fonctions de loisirs qui pourraient être envisagées. Ce sont des éléments importants pour attirer des habitants dans un nouveau quartier, mais aussi pour l’ouvrir aux autres et favoriser la rencontre.
Je sais que des contacts sont pris avec les comités de quartier riverains. Mais j’espère que la Ville ira plus loin, afin d’utiliser l’opportunité de cette expo pour valoriser des quartiers qui par ailleurs connaissent une évolution très positive depuis quelques années. La ville de Genk profite de la réhabilitation du site C-Mine en un vaste complexe culturel pour attirer les visiteurs dans une rue commerçante voisine, un peu négligée ces dernières années, et y soutenir une dynamique de revitalisation commerciale. Liège pourrait s’inspirer de cet exemple car les Liégeois – et les autres– ignorent souvent que Saint-Léonard, notamment, est au coeur d’une dynamique urbaine prometteuse.
Des habitants se sont mobilisés, des artistes s’y sont installés, mais aussi la ville de Liège l’a choisi comme quartier pilote pour le projet Interreg SUN, embarquant ainsi ses forces vives dans une dynamique de développement durable, avec notamment la végétalisation des espaces publics et la rénovation énergétique de nombreuses maisons.
Le projet d’habitat groupé des “Zurbains” constitue une autre démarche très intéressante qui contribue à redorer l’image d’un quartier délaissé durant près d’un demi-siècle mais qui s’est, au fil du temps, forgé des atouts majeurs comme la créativité et la mixité culturelle.

HernePatrickLe 15e jour du mois : La révolution du numérique a-t-elle atteint la pharmacie ?

Patrick Herné : L’arrivée d’internet dans le secteur pharmaceutique a, comme ailleurs, bouleversé les habitudes. Souvent positivement. Aujourd’hui, les officines comme les pharmacies dans les hôpitaux reçoivent toutes les mises à jour en ligne et ont accès à toutes les bases de données spécifiques sur internet. Le quotidien est déjà très irrigué par le web. D’autant que les gens sont de mieux en mieux informés grâce à ce biais, car ils consultent volontiers les sites qui parlent de santé et de remèdes. Celui de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) publie d’ailleurs les notices de tous les médicaments disponibles en Belgique. Mais on trouve de tout sur internet, du très bon au totalement charlatanesque, voire au mensonger. C’est tellement vrai que l’on réfléchit à mettre en place des sites fiables, qui seraient “certifiés”.
Dans un futur proche, ce sont les prescriptions qui seront électroniques. Le procédé n’est pas encore au point, mais on y pense activement (certains hôpitaux utilisent déjà l’intranet pour cela). Pour répondre à toutes les objections concernant le secret médical, le respect de la vie privée et le libre choix des patients, l’objectif serait de demander au médecin de déposer la prescription sur un serveur.
Le patient, dans une pharmacie de son choix, donnerait alors accès au serveur. Cette méthode aurait notamment l’avantage de réduire drastiquement les risques d’erreur générés par une mauvaise lecture des prescriptions.
Autre possibilité envisageable pour le futur : une informatisation des quittances délivrées par la pharmacie, directement envoyées aux mutuelles afin de raccourcir les délais de remboursement.

Le 15e jour : Qu’en est-il de la vente des médicaments en ligne ?

P.H. : A l’heure actuelle, la vente des médicaments par internet est très réglementée. Malgré de nombreuses réticences, son officialisation n’a pu être évitée, suite à un arrêt rendu par la Cour de justice européenne, laquelle, au nom de la libre circulation des biens et des personnes, a autorisé cette vente. En Europe, cela concerne les médicaments à usage humain, accessibles sans prescription. C’est un service intéressant pour les personnes seules, âgées ou éloignées d’une pharmacie : elles peuvent commander en ligne des médicaments simples, comme par exemple certains antidouleurs, les payer et se les faire livrer. Mais cette formule oblitère d’emblée le conseil prodigué par le pharmacien : parce qu’il y a antidouleur et antidouleur ! C’est donc avec circonspection que le monde pharmaceutique regarde le développement de la vente en ligne.

Le 15e jour : Pourtant, on peut trouver la plupart des médicaments en vente sur le net !

P.H. : Oui, mais cette pratique est bien souvent illégale. Les médicaments proposés le sont à partir de sites lointains et cela constitue, de l’avis de la profession médicale dans son ensemble, un grave problème. Sous prétexte que les médicaments – comme le Viagra ou d’autres hormones – sont moins chers en ligne, les gens passent commande sans se douter que ces produits n’ont subi aucun contrôle de qualité. Dès lors, personne ne sait ce qu’ils contiennent ! La contrefaçon des médicaments est en effet extrêmement fréquente dans les Etats où les contrôles sont inefficaces. C’est hélas un marché très florissant : les saisies dans les aéroports le prouvent.

Propos recueillis par Patricia Janssens

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