Janvier 2012 /210
Janvier 2012 /210

L’alimentation en questions à Gembloux

Ble« Ici, on fait des régimes. Là-bas, on crève de faim. » Constat amer mais aussi réaliste qu’un doigt enfoncé dans le globe oculaire est douloureux. Celui d’une époque traversée de contradictions que dénonçait avec causticité un titre bien connu du chanteur belge Arno. Au même moment, on s’inquiète, ici, de voir les ressources de la planète atteindre leurs limites alors que la population mondiale à nourrir est toujours plus importante. Là-bas, on dénonce les méfaits du “manger international” au détriment d’une approche davantage axée sur le local. Bref, l’heure est semble-t-il au changement et au questionnement.

Chaire Francqui

“Comment nourrir l’humanité dans un monde surpeuplé aux ressources naturelles de plus en plus rares ?” La question sera posée le 7 février prochain en guise de leçon inaugurale d’un cycle de conférences données à la faculté de Gembloux Agro-Bio Tech, dans le cadre d’une Chaire Francqui proposée au Pr Bruno Parmentier de l’Ecole supérieure d’agriculture (ESA) d’Angers. Deux problèmes cruciaux du XXIe siècle y seront largement abordés : nourrir et manger.

« La problématique de l’alimentation est au coeur des recherches menées par la faculté de Gembloux, pointe le doyen Philippe Lepoivre, qui s’enthousiasme déjà de la venue du Pr Parmentier pour ce rendez-vous à la croisée de la science et de la vulgarisation. Même si, aujourd’hui, l’équation est bien plus complexe qu’hier et ne concerne plus uniquement l’agriculture, il est de notre responsabilité de former de futurs bioingénieurs capables d’appréhender la complexité de ce gigantesque défi qu’est l’alimentation de la population mondiale : en 2050, il s’agira de nourrir 9 milliards d’humains ! A Gembloux, les initiatives en la matière sont nombreuses : nous disposons d’un observatoire de la consommation alimentaire, d’une ferme expérimentale – une exploitation agricole – à vocation de recherche ; des études sont également entreprises en matière de pratiques culturales paysannes, de lutte biologique contre les ravageurs de culture, de transformation et de conservation des aliments entre autres. Le cycle de conférences est une autre illustration de cette implication. »

Ce cycle comporte au total cinq leçons, aux thèmes variés, que dispensera généreusement Bruno Parmentier. Directeur et enseignant à l’ESA d’Angers, ce dernier est également l’auteur de Nourrir l’humanité. Les grands problèmes de l’agriculture mondiale au XXIe siècle, un ouvrage de vulgarisation bien conçu qui cible avec pertinence les grands défis adressé à l’agriculture au XXIe siècle. « Nous vivons actuellement une période de rupture », relève pour sa part le Doyen. Avant de poursuivre : « La fin d’un modèle a sonné et l’heure est à un renouveau des habitudes du consommateur et du producteur, notamment. Le cycle de conférences sera l’occasion pour le Pr Parmentier d’apporter une certaine vision de l’avenir. »

 

La recrudescence de la faim dans le monde à l’oeuvre depuis 2007, la désuétude de politiques agricoles telles que la PAC, ainsi que les limites écologiques de l’agriculture intensive sont pointées comme autant de preuves de l’essoufflement du modèle actuel. Il reste aujourd’hui à inventer les manières de faire de l’agriculture qui permettront de “produire plus avec moins” – les surfaces cultivables et les ressources énergétiques telles que l’eau, le pétrole, se faisant de plus en plus rares – en évitant les dégâts collatéraux pour la planète. Ainsi, il n’est pas impossible de voir, à l’avenir, des techniques comme le labour profondément modifiées, en raison de leur coût élevé en énergie.

Dans son ouvrage, le Pr Parmentier distingue deux grandes pistes possibles : la première, celle des organismes génétiquement modifiés qui concerne déjà, à l’échelle globale, quelques 14 millions d’agriculteurs ; la seconde qui demande encore à être creusée, serait de trouver les moyens d’intensifier l’agriculture biologique afin qu’elle réponde aux besoins globaux.

Manger bien, manger tous

Si l’agriculture – qui retrouve pour le coup ses lettres de noblesse – fait partie de l’équation à résoudre, les comportements du consommateur sont également concernés. Et les griefs sont bien connus : on mange trop de viande (deux fois plus que nos grands-parents), on ne privilégie pas encore assez les circuits courts de l’alimentation, sans parler de la “malbouffe” et du gaspillage intempestif. Là aussi, des changements d’habitudes seront indispensables si l’on veut pouvoir réduire les inégalités alimentaires qui marquent l’époque actuelle.

Tous ces points, et bien d’autres encore, figureront au programme des leçons proposées à Gembloux, lesquelles s’adressent au monde scientifique, certes « mais également aux décideurs politiques et organisations agricoles et, partiellement, aux étudiants du secondaire », reprend le Pr Philippe Lepoivre pour conclure. De quoi prédire déjà de belles interventions.

Michaël Oliveira Magalhaes

Informations sur le site www.fsagx.ac.be

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