On les appelle les “locavores”. Derrière ce terme dans l’air du temps, qui a atterri dans les pages de nos dictionnaires en 2010, se cachent en fait les consommateurs convertis au credo – marqué au sceau du développement durable – de l’alimentation locale. Le régime de cette nouvelle espèce de consommateurs, en voie d’expansion, se constitue majoritairement de nourriture produite dans un rayon de 100 à 250 kilomètres autour du lieu de vie. La tendance fait progressivement des fidèles. Aux Etats-Unis, et en France notamment.
« Pour des questions de sécurité alimentaire, de fraîcheur, de goût, d’empreinte écologique, notamment, de plus en plus de gens se tournent en effet vers l’alimentation locale », pointe le Pr André Thewis de Gembloux Agro-Bio Tech, par ailleurs cheville ouvrière du 17e Carrefour des productions animales, une journée de conférences organisée conjointement par la Faculté et le Centre wallon de recherches agronomiques (CRA-W) le 7 mars et dont le thème, cette année, porte sur la production et la consommation locales de produits animaux.
« De nouvelles pratiques se dessinent actuellement, aussi bien du côté du consommateur que du producteur, poursuit le professeur. La journée de conférences sera donc l’occasion de reposer les balises de la question de l’alimentation locale du point de vue particulier des produits animaux (viandes, laits, fromages, etc.). Qu’entend-on exactement par alimentation locale ? Quels sont les impacts économiques, écologiques, mais également sociaux ? Quelles sont les limites institutionnelles et de terrain à l’alimentation locale ? Mais nous aborderons également des sujets plus précis tels que les labels de qualité IGP (indication géographique protégé) et AOP (appellation d’origine protégée), le cas du boeuf des prairies d’Ardenne ou encore la question de l’alimentation des animaux : que sommes-nous capables de produire localement pour nourrir nos animaux, pour quels types d’animaux? » La Faculté a pour l’occasion misé sur des intervenants de tous poils : universitaires belges et étrangers (francophones), représentants d’institutions publiques, représentants de grandes surfaces, chefs d’entreprises.
“Consommer local, c’est consommer bio”. “Les produits locaux sont des produits du terroir”. Les clichés qui collent à la peau de la consommation locale sont encore nombreux. La 17e édition du Carrefour des productions animales – qui se veut “à la croisée de la bonne vulgarisation et de la science” et s’adresse à un public varié – est aussi l’occasion de remettre les pendules à l’heure. Comme l’explique le Pr Thewis, « on parle de produits locaux lorsque ceux-ci sont consommés le plus près de leur endroit de production. Cela concerne donc non seulement la consommation biologique mais aussi les produits issus de l’agriculture plus traditionnelle. »
Si elle semble séduire de plus en plus de consommateurs, l’alimentation locale attire également les grandes enseignes de distribution en Belgique, lesquelles ont plus que certainement subodoré le pouvoir commercial d’une tendance qui va croissant. « En France, par exemple, des emplacements spécialement dédiés aux fruits et légumes issus de la production locale fleurissent petit à petit dans les rayons des grandes surfaces. Il aurait même été démontré que la seule présence de ces compartiments booste à elle seule la vente globale des fruits et légumes, locaux ou non. » Et d’ajouter, réaliste : « De telles initiatives sont, quoi que l’on en dise, nécessaires. Pour se développer, la consommation locale ne peut en effet rester confinée au circuit de vente directe à la ferme du producteur. Elle doit toucher les circuits les plus courants. »
Pour André Thewis, le métier d’agriculteur doit pour sa part se préparer à connaître certaines mutations. « Les producteurs vont, avec le temps, devoir s’impliquer dans la distribution de leur production, moyennant évidemment une rémunération. En France, par exemple, des agriculteurs se rassemblent déjà en points de vente collectifs afin de vendre leurs produits. » Toujours dans l’Hexagone – pays qui, pour le coup, semble avoir un train d’avance sur la Belgique –, des accords de partenariats existent déjà entre producteurs et consommateurs, procédés qui reposent sur un payement préalable des seconds en vue de financer en amont la production des premiers. « La révision de la politique agricole commune, que l’on a voulu plus verte, pourrait accélérer le développement de ce genre de circuits de distribution. »
A l’heure du durable, le “local” représente sans aucun doute l’un des grands défis adressés au binôme consommateur-producteur. Pour ceux que cela interpelle, rendez-vous à l’espace Senghor de Gembloux.
Michaël Oliveira Magalhaes
De la production à la consommation locales de produits animaux17e Carrefour des productions animales, mercredi 7 mars à partir de 9h, à l’Espace Senghor, Gembloux Agro-Bio Tech, passage des Déportés 2, 5030 Gembloux. Contacts : tél. 081.62.65.51, courriel communication@cra.wallonie.be |