Ennemie silencieuse dans la mesure où aucun signe de sa présence n’est perceptible avant qu’elle ne sème le trouble, l’ostéoporose provoque une fracture du col du fémur toutes les 30 secondes au sein de l’Union européenne. Et son coût s’élève, pour l’Europe et les États-Unis, à quelque 54 milliards de dollars par an.
L’affection se caractérise par une raréfaction du calcium dans les os, ce qui conduit à une diminution de la masse du squelette et, parallèlement, à une modification de son architecture. « Les microtravées de l’os qui assurent sa rigidité et sa résistance biomécanique se perforent, entraînant sa fragilisation », explique le Pr Jean-Yves Reginster, responsable de l’unité de recherche sur le métabolisme de l’os et du cartilage et président de la Société européenne d’ostéoporose. S’ensuivent de possibles fractures, dont les trois principales touchent le corps vertébral, le poignet (plus précisément, l’extrémité inférieure du radius, dite “fracture de Pouteau-Colles”) et le col du fémur. Tristement célèbre, la fracture du col fémoral se produit généralement vers 75-80 ans et touche trois femmes pour deux hommes. « Malgré les avancées liées aux prothèses de hanche, on observe encore 16 à 20% de décès dans le mois qui suit la fracture du col du fémur à cause des complications opératoires, déplore le Pr Jean-Yves Reginster. Par ailleurs, seul un patient sur trois récupérera une autonomie complète. »
Bien que tapie dans l’ombre, l’ostéoporose peut se diagnostiquer aisément. Un examen d’ostéodensitométrie permet de mesurer la quantité de calcium du squelette, donc la densité minérale osseuse. Quand le diagnostic d’ostéoporose est posé, un examen radiologique de la colonne dorso-lombaire doit être prescrit en complément, afin de déceler d’éventuels tassements fracturaires vertébraux. D’autre part, un dosage des marqueurs biologiques du remodelage osseux s’impose. Le squelette se renouvelle de manière permanente, 70 jours de formation succédant à 20 jours de résorption. Les marqueurs biologiques permettent d’estimer son évolution à long terme, de savoir si l’os est en train de se dégrader ou si sa structure se maintient.
L’affection n’est pas héréditaire, mais à “pénétration familiale”. « On estime que 60% de la masse osseuse dépend de facteurs génétiques et 40% de facteurs acquis », précise le Pr Reginster. Les autres facteurs de risque sont nombreux. L’âge avancé en est un ; l’appartenance au sexe féminin en est un autre, essentiel, car, à la ménopause, la chute des oestrogènes prive la femme d’un important facteur protecteur de l’os. La ménopause précoce (avant l’âge de 45 ans) est dès lors particulièrement redoutable. Un faible indice de masse corporelle (personnes maigres) augmente aussi le risque de déclencher la maladie, de même que certains médicaments (en particulier la cortisone utilisée de façon prolongée), le tabac et une consommation quotidienne d’alcool dépassant deux verres chez la femme et quatre chez l’homme. La sédentarité et l’immobilisation prolongée constituent également d’importants facteurs de risque. En outre, diverses pathologies hormonales, métaboliques ou autres sont à pointer du doigt, la polyarthrite rhumatoïde par exemple.
On sait aussi que toute carence en calcium ou en protéines est néfaste à la formation de l’os. Par ailleurs, la vitamine D est nécessaire à la captation du calcium au niveau intestinal : son insuffisance s’avère donc très dommageable.
Comment prévenir l’ostéoporose ? Avant tout, en en limitant les facteurs de risque. Comme il ressort de l’article publié récemment dans Osteoporos International par des scientifiques membres du Belgian Bone Club, dont Jean-Yves Reginster et Olivier Bruyère de l’ULg, le combat est finalement celui de toute une existence, dans la mesure où plus précoce est l’adoption d’un mode de vie sain, meilleurs seront les gains.
Les produits laitiers (maigres ou gras), les noix et les légumes verts feuillus figurent parmi les sources les plus riches en calcium. La vitamine D ne se trouve guère que dans les poissons gras, mais sa production par l’organisme est grandement favorisée par l’exposition à la lumière solaire. La prescription de suppléments en calcium et en vitamine D peut cependant souvent se justifier.
Non seulement l’exercice physique stimule la formation de l’os, mais il favorise également la conservation du tonus musculaire chez la personne âgée, diminuant ainsi les risques de chute et de fracture du col du fémur. Selon les auteurs de l’article, les exercices individuels de renforcement musculaire et d’équilibre réduiraient de 35% le nombre de chutes et de blessures. La prévention des chutes chez la personne âgée est capitale. La plupart de ces accidents pourraient être évités grâce à des solutions de bon sens axées sur l’aménagement de l’environnement : retirer les carpettes glissantes, installer une poignée dans la douche, etc.
L’ostéoporose se diagnostique aisément et se traite. Mieux vaut néanmoins la prévenir. Une bonne hygiène de vie constitue souvent la meilleure arme pour la tenir à distance.
Philippe Lambert
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