Février 2012 /211
Février 2012 /211
TypeArt

3 questions à Jean Schoenen

SchoenenJeanJean Schoenen est professeur au département des sciences biomédicales et précliniques et directeur de l’unité de recherche “régénération axonale et douleur céphalique” du Giganeurosciences et de l’unité de recherche sur les céphalées du département de neurologie.

Coordonnée sur le plan international par l’European Dana Alliance for the Brain, la “semaine du cerveau” est depuis 2005 organisée en Belgique par le Belgian Brain Council. Elle constitue depuis lors un rendez-vous annuel dont le but est d’informer le grand public sur le cerveau et ses maladies et de le sensibiliser à l’intérêt des recherches en neurosciences. Chaque année, au mois de mars, des centaines d’activités dans le monde font état des progrès scientifiques en la matière.
En Belgique, plusieurs universités – en Fédération Wallonie-Bruxelles principalement – participent à l’opération, dont l’UL g via le Pr Jean Schoenen, fondateur du Belgian Brain Council, lequel bénéficie du précieux concours du Dr Rachelle Franzen, chef de travaux au département des sciences biomédicales et précliniques. Entrevue.

Le 15e jour du mois : La “semaine du cerveau” rencontre-t-elle l’adhésion du public ?

Jean Schoenen : Très clairement, la thématique intéresse le grand public. Chaque année, nous sommes surpris – et ravis – du succès de l’opération et nous essayons d’étoffer nos activités. Pour l’édition 2012, nous avons décidé de coupler la “semaine du cerveau” au festival Imagésanté de Liège qui se déroulera aux mêmes dates et dans les mêmes lieux : il fait déjà la part belle au cerveau puisque des opérations neurochirurgicales sont retransmises en direct et que la santé mentale constitue un volet de la programmation. Le thème général de la semaine – “L’image du cerveau et l’image que l’on s’en fait”– s’insère en outre à merveille dans le programme du festival.

Trois ateliers seront proposés au grand public et aux élèves de l’enseignement secondaire supérieur, les mardi 13, jeudi 15 et vendredi 16 mars. Par groupe de 15, les participants seront accueillis par des scientifiques qui expliqueront les recherches du Giga-neurosciences.
Le premier atelier sera consacré au rôle du cerveau et des hormones sexuelles dans la détermination du sexe de l’individu. Le deuxième évoquera l’enregistrement de l’activité électrique du cerveau (électroencéphalogramme, électromyogramme, vitesses de conduction nerveuse, etc.). Enfin, le troisième atelier montrera une dissection d’un cerveau humain et le comparera à ceux des rongeurs utilisés en recherche expérimentale.

 

Nous avons en outre prévu, le vendredi après-midi, un atelier spécifique pour les élèves, baptisé “le cerveau en images” au cours duquel plusieurs vidéos seront projetées afin d’illustrer, par exemple, les symptômes et signes cliniques que les maladies neurologiques peuvent provoquer : tremblements, paralysie, troubles de l’équilibre, épilepsie, modifications structurelles ou fonctionnelles du cerveau, etc.

Une exposition de photos prises par les chercheurs dans le cadre de la campagne “Brain Art” sera visible au cinéma Sauvenière et au CHU du 5 au 22 mars (elles seront ensuite mises en vente au profit de la fondation Léon Fredericq).

Le 15e jour : Vous avez invité à cette occasion Yves Coppens, professeur au Collège de France, paléontologue et préhistorien. Pourquoi ?

J.S. : Yves Coppens est un orateur passionnant et prestigieux. Il a souvent évoqué le cerveau à travers les nombreuses boîtes crâniennes qu’il a tenues entre les mains. A partir des outils façonnés par l’homme préhistorique, il a émis des hypothèses pour raconter l’évolution de cet organe “manquant” sur les chantiers de fouilles ! L’encéphalisation de l’espèce humaine est évidente au cours de l’évolution, même si elle n’est peut-être pas toujours linéaire. C’est ainsi que les paléontologues ont découvert que la boîte crânienne de l’homme de Néanderthal est plus grande que celle d’homo sapiens sapiens… c’est-à-dire nous ! Son regard nous paraît très intéressant et nous l’avons convié à donner une conférence qu’il a intitulée sous la forme d’un paradoxe : “Le cerveau de l’homme fossile”*.

Le 15e jour : Peut-on dire aujourd’hui que nous comprenons le cerveau ?

J.S. : Mieux qu’hier sans aucun doute… et moins que demain. Au Giga-neurosciences, les chercheurs tentent de comprendre le fonctionnement du cerveau normal et celui du cerveau malade, en s’intéressant d’ailleurs le plus souvent aussi bien à l’un qu’à l’autre. C’est au sens large la démarche de la recherche translationnelle appliquée au cerveau : des maladies neurologiques sont étudiées en laboratoire sur des modèles expérimentaux pour en mieux comprendre les causes et découvrir de nouveaux traitements ; en revanche, de nouvelles découvertes en laboratoire peuvent, le cas échéant, être testées en clinique.

 

Nos thématiques de recherche sont variées : développement de l’oreille interne et surdités, rôle de la protéomique dans la transformation des tumeurs, développement du cerveau et ses anomalies, cellules-souches comme outil thérapeutique, interaction entre hormones et cerveau dans le comportement (cause d’une forme fréquente d’épilepsie), rôle des oestrogènes et de la sérotonine dans les migraines, régénération des axones de la moelle épinière dans la paraplégie, rôle des canaux ioniques dans la maladie de Parkinson, etc.

Notre discipline a connu un très grand essor ces dernières années, grâce aux nouvelles technologies d’ingénierie génétique cellulaire et d’imagerie. PET scan et IRM fonctionnelle permettent de mesurer l’activité neuronale in vivo de manière non invasive et répétée. Ceci permet d’analyser le fonctionnement cérébral lorsqu’une personne réalise ou imagine une tâche (calculer, lire, jouer au tennis, mémoriser, etc.) et d’étudier l’influence sur ces fonctions du sommeil, ou en pathologie, d’un coma. A Liège, des travaux de neurosciences cliniques de ce type sont ainsi menés à l’unité de recherches du cyclotron.

Patricia Janssens

“Le cerveau de l’homme fossile”

Conférence par Yves Coppens,
le mercredi 14 mars, à 20h, au Palais des congrès.

Informations et programme de la “semaine du cerveau” sur le site www.imagesante.be (rubrique Ecoles/programme).

 

Facebook Twitter