A quelques mois du début des Jeux olympiques de Londres, Miranda Kiuri, architecte expert en équipements sportifs, actuellement chargée de recherche dans le cadre d’un programme post-doctoral au sein du département Argenco (faculté des Sciences appliquées) auprès du Pr Jacques Teller, organise un séminaire entièrement consacré au stade, véritable emblème des JO, le 29 mars prochain.
« Les stades incarnent les Jeux, estime Miranda Kiuri. Et, tant dans leur conception “durable” que dans leur utilisation, je pense qu’ils doivent, aujourd’hui, être en lien avec la ville et ses habitants. » Architecte de formation, la chercheuse, qui a fait une belle partie de sa carrière académique à l’université UCJC de Madrid, s’interroge sur la valeur patrimoniale de ces édifices parfois gigantesques, coûteux, et bien souvent peu utilisés en dehors des rencontres internationales de haut niveau. « Nous devons repenser cette construction eu égard aux valeurs des Olympiades, reprend-elle. Ces valeurs de paix, de compétition loyale, de convivialité, de respect de l’autre, doivent à mon avis être traduites dans l’architecture et dans l’urbanisme. »
Le séminaire organisé au château de Colonster par les ingénieurs architectes est placé sous le patronage personnel de Jacques Rogge, président du Comité olympique international. Plusieurs responsables de la conception des sites olympiques de Londres 2012 et de l’Allianz Arena (Munich), ainsi qu’un architecte des stades autrichiens de l’Euro 2008 seront présents, tout comme les concepteurs des futurs stades de la Coupe du monde de football de 2018 en Russie. Sur le plan régional, les ingénieurs du bureau Greisch de Liège expliqueront leur rôle dans divers projets de stades en France, à Lille et à Marseille notamment.
En prélude à cette rencontre scientifique, une conférence-débat est programmée la veille, le 28 mars, à la salle académique. L’occasion pour le grand public de découvrir, à travers des projections de films, les futurs stades de Londres et de Lille.
Comment le stade peut-il servir la ville ? La singularité de l’édifice – qui fait souvent l’orgueil des habitants – pèse sur le territoire et, très souvent, détermine les stratégies d’urbanisme et la mise en place d’infrastructures (autoroutes, trams, etc.). « S’il est évident que le stade doit combiner des éléments fonctionnels et de sécurité lors de la compétition sportive, on pense de plus en plus aussi à le rendre flexible afin de lui donner “une vie alternative” après les Jeux, et ce au bénéfice de la population locale », expose Miranda Kiuri en évoquant le stade de Lille (en construction) conçu comme une infrastructure transformable. Les nouvelles technologies en matière de structure et de construction, au même titre que les progrès du design, ont apporté durant les dernières décennies des résultats notables en termes de fonctionnalité, de qualité du spectacle et de sécurité pour les athlètes et les spectateurs. Ces technologies autorisent à présent une plus grande polyvalence des structures : un stade d’athlétisme se mue en stade de football ou de baseball, en salle omnisports et en salle de concert. Et devient pour les citadins un véritable espace culturel.
Mais cette polyvalence peut servir dans le futur à une meilleure intégration du stade olympique dans son environnement et dans la vie de la ville. Car historiquement parlant, le stade avant d’être un bâtiment, est un espace singulier, un lieu de mémoire. « Lors du séminaire, l’accent sera volontairement mis sur la relation particulière qui doit s’établir entre le stade et la ville, explique le Pr Teller. Cette relation fait l’objet d’études environnementales et économiques, mais aussi sociologiques. Le stade doit être vu comme un “morceau de ville”. » Un article à ce propos va paraître dans la revue Cultural Heritage Management and Sustainable.
Epaulée dans l’organisation du séminaire par le Pr Teller (urbanisme) et par le Pr Pierre Leclercq (conception architecturale), Miranda Kiuri entend bien, lors d’une table ronde, apporter des éléments complémentaires à la conception des “stades durables”. Les questions de leur conservation en tant que patrimoine contemporain seront à l’ordre du jour, ainsi que les possibles initiatives académiques et de recherches regardant l’architecture sportive. Et la chercheuse d’évoquer l’idée d’une recherche spécifique portant sur l’archéologie sportive du XXe siècle, recherche qui se traduirait par un inventaire européen des stades ayant joué un rôle majeur dans le cadre de l’évolution des techniques et du sport ou qui ont été témoin d’un fait historique marquant : cela constituerait une base solide pour l’avenir.
Profitant de la présence à l’ULg d’architectes à la carrière internationale, elle a aussi demandé à ses étudiants de travailler sur la réalisation d’un nouveau stade pour le Standard, en liaison avec la gare des Guillemins. Les travaux seront présentés devant le Pr Jorg Joppiën et Tim Hupe, architectes du stade Allianz Arena à Munich et du Max Schmelling Halle de Berlin, et corrigés grâce à la technologie du “bureau virtuel” du Pr Pierre Leclercq (Lucid Group).
« Les Jeux olympiques trouvent leur origine dans l’Antiquité grecque et font partie de notre patrimoine culturel immatériel, conclut Miranda Kiuri. Le stade, qui traduit les valeurs du sport olympique, doit être considéré comme un patrimoine historique qu’il faut conserver et restaurer au besoin. Demain, je crois que le stade devra aussi être un lieu de commémoration et de préservation de la mémoire. »
Patricia Janssens
Séminaire “Stadium 2012”Les 29 et 30 mars, au château de Colonster, Sart-Tilman, 4000 Liège. Voir la vidéo sur le site webtv.ulg.ac.be/stadium2012 “Stades et infrastructures sportives du futur”Conférence-débat, le 28 mars à 20h, en présence notamment d’architectes du bureau Luthers (RTBf), à la salle académique, place du 20-Août 7, 4000 Liège. Contacts : tél. 04 366.94.03, courriel miranda.kiuri@ulg.ac.be |