Terraferma
Un film d’Emanuele Crialese, Italie, 2012. Avec Filippo Pucillo, Donatella Finocchiaro, Mimmo Cuticchio, Timnit T.
A voir aux cinémas Le Parc, Churchill et Sauvenière.
Terraferma (Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise) est un conte sur les héros de la mer, ceux qui partent pour partir et ne peuvent concevoir leurs journées sans tangages ou flottements. Sur une petite île italienne entre l’Afrique et la Sicile, les choses commencent pourtant à changer : face au tourisme massif, la tradition de la pêche perd de son poids économique ; un conflit générationnel fait surface, et bien que la transformation soit inéluctable, se maintiennent quelques résistances, secrètes et mélancoliques, qui trouvent dans la mer le lieu de l’épopée et de la témérité.
Les touristes, auxquels on déroule naturellement les tapis rouges, ne sont cependant pas les seuls à convoiter cette île atypique : venus du fin fond de la mer, régulièrement des migrants africains – dépeints comme de mystérieux fantômes marins – surgissent, à l’horizon ou depuis les entrailles de l’écume, en quête de refuge ou à la recherche de leurs proches. Se dessinent alors les traits d’une microsociété capsulaire où la politique d’immigration est d’autant plus forte qu’elle parvient non seulement à fermer ses port(e)s aux étrangers, mais également et surtout à faire culpabiliser quiconque tendrait naturellement la main aux noyés. Emanuele Crialese tente de faire de son discours la force principale du film : montrer, assez littéralement et un peu trop scénaristiquement, comment un dispositif politique peut troubler complètement le rapport instinctif entre les êtres humains.
Cela dit, le cinéaste reste un fin observateur et un virtuose de l’image. Les portraits qu’il tire de ses acteurs sont souvent très délicats, notamment pour ces deux personnages, généralement accompagnés d’un silence impassible : Ernesto (Mimmo Cuticchio), vieux marin qui refuse de se coucher, et Sara (Timnit T), jeune femme enceinte, échappée de la torture, et qui porte en elle un lourd fardeau. Par quelques élans poétiques, le film parvient également à emporter, en se laissant aller aux vagues labiles des images de la mer et en accompagnant ceux qui, incorruptibles, ont trouvé dans l’eau le support d’une terre véritablement ferme (Terraferma) : la fermeté de l’aventurier qui, aspiré par une idée fixe, ne fléchit ni ne recule. En témoigne le dernier plan : filmé en plongée verticale sur la mer, il donne à voir les mouvements des vagues ralentis jusqu’à la limite, rappelant l’un des grands pouvoirs magiques du cinéma, à savoir sa capacité à transformer l’eau en rocher.
Abdelhamid Mahfoud
Si vous voulez remporter une des dix places (une par personne) mises en jeu par Le 15e jour du mois et l’asbl Les Grignoux, il vous suffit de téléphoner au 04.366.48.28, le mercredi 25 avril de 10 à 10h30 et de répondre à la question suivante : quel est le nom de l’île du film ?