Mai 2012 /214
Mai 2012 /214

Découverte d’une “super-Terre”

L’évolution technologique permet constamment de nouvelles avancées dans le domaine de l’astrobiologie. Pour la première fois, une équipe internationale, à l’initiative de l’astrophysicien Michaël Gillon, a capté l’émission d’une “super-Terre”. Son nom ? 55 cancri e. Une nouvelle époustouflante qui ouvre la voie à une étude plus approfondie des planètes de petite taille.

Une candidate idéale

La détection des premières exoplanètes (en orbite autour d’une autre étoile que le Soleil) ne remonte qu’à 1995. Depuis, l’accumulation des technologies a permis d’en découvrir des centaines, de plus en plus petites, de moins en moins chaudes, et de plus en plus éloignées de notre Terre. Aujourd’hui, un grand pourcentage d’étoiles similaires à la nôtre au sein de notre galaxie peuvent se targuer d’être au centre d’un système planétaire. Mais ce n’est pas tout de détecter ces planètes : la soif de savoir pousse les chercheurs à tenter de comprendre leur nature, leur composition et leur habitabilité. Les meilleurs moyens actuels pour déceler des caractéristiques et les étudier sont indirects. Il s’agit de la méthode des vitesses radiales, soit, d’une part, la mesure de la variation de la vitesse d’une étoile en fonction de l’influence gravitationnelle d’une planète tournant autour, et, d’autre part, de la méthode des transits, soit l’éclipse partielle d’une étoile quand une planète passe devant. Ces mesures permettent d’estimer la masse et le volume, et donc la densité et l’hypothétique composition des planètes. Mais aujourd’hui, et pour la première fois, une équipe de chercheurs de l’UL g et du MIT menée par Michaël Gillon a pu découvrir l’émission lumineuse d’une super-Terre et en déduire sa température.

« Des chercheurs avaient déjà mesuré l’émission de géantes gazeuses, mais jamais de super-Terre, se réjouit l’astrophysicien. En observant 55 cancri e, nous nous sommes figuré que c’était possible. » Par super-Terre, il ne faut pas entendre nécessairement une planète propice à la vie. La définition ne tient compte que d’une exoplanète potentiellement rocheuse dont la masse est entre une et dix fois supérieure à celle de notre planète.

55 cancri e a été découverte par la méthode des vitesses radiales en 2004. Son rayon est deux fois plus grand que celui de la Terre et sa masse huit fois supérieure. Une étude récente a établi sa révolution à moins d’un jour ! « Elle est donc collée à son étoile et subit une forte irradiation. On imagine donc qu’elle est extrêmement chaude, d’autant qu’elle semble être un corps sombre qui ne réfléchit que peu la lumière et emmagasine plus facilement la chaleur. » Un peu à la manière des vêtements noirs par temps d’été. Qualité supplémentaire, cette planète orbite autour d’une étoile qui ne se trouve “qu’à” 40 années lumières d’ici et qui est très brillante, ce qui rend possible son étude poussée avec notre technologie actuelle.

Du transit à la mesure de l’émission

La probabilité qu’une planète éclipse périodiquement son étoile est faible car cela requiert une configuration géométrique particulière de son orbite par rapport à la Terre. Cette probabilité est inversement proportionnelle à la distance de la planète à l’étoile, si bien qu’une planète collée à son étoile comme 55 Cnc e avait une chance assez élevée de “transiter”. « A l’aide de Spitzer, un télescope de la Nasa, nous avons pu détecter le transit de 55 cancri e, se souvient Michaël Gillon. L’orbite de la planète étant plane et circulaire, on pouvait en conclure qu’elle était également occultée par son étoile à chaque orbite, ce qui rendait possible la mesure (négative) de son flux. » En observant plusieurs fois avec Spitzer cette disparition de la planète derrière son étoile, les chercheurs ont pu en déduire son émission et sa température, supérieur à 2000 Kelvins.

Michaël Gillon attend avec impatience la mise en service du JWST, un télescope beaucoup plus large et bien plus puissant que Spitzer pour poursuivre son exploration des planètes telluriques (petites planètes). « Outre des mesures plus précises, JWST permettra notamment d’établir un large spectre de variations sur différentes longueurs d’ondes, ce qui rendra possible de se faire une idée plus précise des variations de températures en fonction de l’altitude sur la planète, de la composition de l’atmosphère… »

Toutefois, cette découverte permet de mieux analyser les caractéristiques de 55 cancri e, en étudiant par exemple la distribution de la chaleur sur cette planète. Plus largement, elle ouvre une nouvelle ère dans l’histoire de l’astrobiologie, celle de l’observation plus approfondie des planètes de petite taille. « En espérant, d’ici 20 à 30 ans, le lancement de télescopes capables d’étudier des planètes de la taille de la Terre… », ponctue le jeune chercheur.

Philippe Lecrenier

Article complet "Une super-Terre mise en lumière"sur le site Reflexions (rubrique Espace/astronomie).

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