Mai 2012 /214
Mai 2012 /214

Rajeunir la forêt du Sart-Tilman et valoriser la biomasse

ST1Chacun en convient : le domaine du Sart-Tilman, largement boisé, est un petit bijou de verdure, idéalement situé. Seulement voilà : beaucoup d’arbres sont en état de vieillissement avancé et sa configuration générale – le taillis sous futaie – est en train de disparaître petit à petit. « En intervenant d’une façon douce et en bannissant d’office tous les engins forestiers lourds, de même que toute mise à blanc, on pourrait rajeunir cette forêt et la faire évoluer vers une futaie irrégulière mélangée, plus riche en termes de biodiversité, tout en renforçant son rôle de stockage du carbone à condition toutefois qu’elle fasse l’objet d’une gestion appropriée », estime Jacques Rondeux, professeur émérite et chargé par les autorités académiques de l’UL g de réfléchir à une gestion durable de la partie boisée du domaine du Sart-Tilman (500 hectares environ).

Inventaire complet

Avec l’aide d’une poignée de collaborateurs de Gembloux Agro-Bio-Tech, Jacques Rondeux a d’abord étudié 205 hectares boisés “épurés” volontairement des réserves naturelles et zones à protéger. Cette surface a fait l’objet d’un inventaire dendrométrique enrichi de données sylvicoles et écologiques s’appuyant sur un échantillonnage systématique. Concrètement, 107 petites unités d’échantillonnage (3 ares) ont été installées à raison d’une tous les deux hectares, marquées par un piquet métallique afin de pouvoir être réutilisées à l’avenir. Dans chacune de ces placettes, tous les arbres sur pied ont été identifiés, mesurés et caractérisés (essence, type de peuplement, état sanitaire, régénération, etc.). Le bois mort sur pied et à terre a également été inventorié et classé selon son état de décomposition.

Les résultats ? Les 205 hectares passés à la loupe stockent environ 32 000 tonnes de carbone. Si on extrapole à l’ensemble du Sart-Tilman en incluant la litière, le bois mort et le sol, on arrive à une valeur oscillant entre 128 000 et 164 000 tonnes. Le volume de bois vivant sur pied est estimé à 390 m3, ce qui extrapolé à l’ensemble boisé représente près de 80 000 m3. « A raison d’une intervention douce et prudentissime, sous forme d’un passage en coupe tous les 12 ans (rotation permettant aux peuplements de se reconstituer) sur une étendue comprise entre 15 et 20 hectares, on pourrait récolter entre 420 et 1450 m3 de bois, soit 535 et 1850 stères annuels », estime Jacques Rondeux, qui ajoute que cela représente un équivalent fuel de l’ordre de 90 000 à 300 000 litres. On l’a compris, l’idée serait de valoriser la biomasse ligneuse en la transformant en plaquettes qui, une fois séchées, pourraient alimenter une chaudière au bois.

Séduites par de telles perspectives (qui restent encore à concrétiser), les autorités ont donné leur feu vert à l’extension de l’inventaire, dès ce mois d’avril, à l’intégralité des zones boisées du domaine. « L’intérêt d’une telle prospection permanente réside dans le fait qu’elle ne se contente pas d’estimer le cubage du bois produit par la forêt, explique le professeur. Dendrométrique et sylvicole, l’inventaire s’avance également sur le terrain écologique, analysant la végétation herbacée et les sols. Or, il y a quelques années encore, personne dans le monde forestier ne se préoccupait d’estimer avec précision la quantité de bois mort au sol présent dans une forêt, pas plus qu’on ne voyait l’intérêt de classifier ce bois “perdu” en catégories selon l’état de décomposition.» Poussé jusqu’à ce point, l’inventaire du Sart-Tilman constitue une véritable première en région wallonne, tout particulièrement dans le domaine des inventaires dits “d’aménagement”, réalisés par échantillonnage et pratiqués à l’échelle de quelques centaines d’hectares. Il pourrait inspirer des initiatives du même type dans des forêts soumises au code forestier (communales, provinciales, etc.).

Gestion optimale

« Ce qui est en jeu, c’est un véritable bio-monitoring de l’intégralité du massif du Sart-Tilman, ajoute le Pr Rondeux. Avec de tels indicateurs, revus tous les cinq ou dix ans, on pourrait parfaitement imaginer de modifier, peu ou prou, le zonage forestier du site universitaire.» Le but ? Différencier, sur des bases objectives, les zones où pourraient s’exercer d’une façon optimale les diverses vocations de la forêt : production de bois, loisirs, conservation de la nature, etc. D’autres fonctions pourraient en découler, comme permettre une expression “raisonnée” de la biodiversité ou aider à arbitrer la localisation des éventuelles nouvelles implantations et zones d’activités. Sans compter le remarquable champ d’application pour des travaux d’étudiants. « Gardons-nous d’une vision romantique de la forêt, respectable mais trompeuse, ajoute le professeur. Si la présence de très grands arbres prestigieux donne une impression de stabilité, elle n’est rien d’autre, dans les faits, que spectaculaire. Car une forêt à l’abandon se révèle fragile face aux agressions du climat, des maladies et des déprédateurs. Et, au Sart-Tilman comme ailleurs, il est peu probable que l’évolution climatique annoncée pour ces prochaines années nous laisse la possibilité de nous reposer sur nos lauriers… »

Philippe Lamotte

Article complet "Un poumon vert à revitaliser" sur le site Reflexions
(rubrique Terre/environnement).

Journée d’étude sur “La biomasse, ressource énergétique et chimique du futur”

Organisée par l’AILg, le jeudi 7 juin, à partir de 9h, au château de Colonster, Sart-Tilman, 4000 Liège. Inscription avant le 1er juin.

Contacts : tél. 04.254.08.25, courriel ailg@ailg.be, site www.ailg.be

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