Quel rôle pour l’éclairage dans les soins de santé ? Si l’on en croit le postulat qu’ont fait en avril dernier les cliniques Valdor-Péri, l’ULg et l’équipementier Philips, la lumière artificielle, dont les effets sont étudiés depuis les années 1980, devrait largement contribuer à l’amélioration de la qualité de vie en milieu hospitalier. La clinique du Péri, spécialisée en psychogériatrie (approche des patients âgés souffrant de problèmes psychiatriques ou de démence), vient ainsi de faire équiper une partie de ses installations d’un système de lumière artificielle entièrement modulable dans le but d’en évaluer scientifiquement les effets sur la stabilisation des troubles du comportement.
« La thérapie, dans le domaine de la démence, ne se borne pas à l’approche médicamenteuse, dont les résultats sont d’ailleurs limités », explique Alain Dejace, directeur de l’intercommunale des soins spécialisés de Liège (ISOSL). D’autres approches non médicamenteuses sont ainsi mobilisées, de l’atelier de créativité à la musicothérapie en passant, désormais, par la luminothérapie. « En milieu hospitalier baigné de lumière naturelle, les patients perdent rapidement leur orientation temporelle, c’est-à-dire leur faculté à distinguer le jour de la nuit, continue le directeur. Avec, bien entendu, des effets néfastes sur le sommeil, l’agitation, la déambulation, la cognition, ou encore sur l’état dépressif, et, par voie de conséquence, sur la consommation de médicaments. »
Une recherche appliquée de longue haleine portant sur les effets de la lumière sur les patients démentiels vient donc d’être lancée sur le site du Péri, qui impliquera l’ULg par le biais de son service de biostatistique et celui de psychologie du vieillissement. Le Péri, dont le bâtiment est constitué d’ailes jumelles, voit ainsi depuis peu l’éclairage du premier étage de l’une de ses deux ailes suivre une « courbe de variation lumineuse » tandis que la seconde, au même niveau, mais soumis à éclairage constant, fera pendant un an office de point de comparaison. La technologie, offerte par Philips, a été installée par la clinique sur fonds propres. Et les effets s’en font déjà sentir : « C’est autre chose que de travailler au sous-sol du CHU », lance un médecin en boutade.
« Au lever, entre 6h30 et 8h, les patients seront automatiquement réveillés par une augmentation progressive de la lumière, dont l’intensité croîtra au fil de la journée, pour accompagner les moments qui nécessitent le plus de concentration et qui participeront de la qualité de l’endormissement en fin de journée. Un éclairage plus faible favorisera par ailleurs, après le repas de midi, un moment de sieste. La courbe de variation est marquée par des repères temporels que le patient tend à perdre », explique le chargé de cours et responsable de l’unité de psychologie clinique du vieillissement de l’ULg, Stéphane Adam, qui participe au volet scientifique de l’opération.
« Cette recherche est inédite, au moins du fait de son ambition et de ses modalités d’application de la lumière, caractères qui contrastent avec les études réalisées ces 20 dernières années. Celles-ci se bornaient souvent à placer les individus sous un spot lumineux pendant de très brèves périodes, souligne-t-il. La collecte des données sera ici quotidienne, pendant un an au moins, sur un grand nombre de patients. Par suite du large spectre de paramètres considérés (analyses individuelles, analyses de groupes, mesures de la déambulation des patients, analyses d’urines, prises de sang, etc.), nous disposerons d’un excellent pouvoir statistique, d’autant que les unités du bâtiment sont parfaitement symétriques en termes de patientèle et d’équipes d’encadrement. » Trois étudiants de l’UL g participent d’ores et déjà à la collecte des données dans le cadre de leurs travaux de fin d’études. Les premiers résultats, concluants ou non, sont attendus dans six mois.
Patrick Camal