Alors commissaire européen à la recherche – entre 1999 et 2004 –, Philippe Busquin avait constaté que si l’Europe était très performante en matière de recherche – et de publications –, les Etats-Unis et le Japon la surclassaient dans ce que l’on appelle “la valorisation” des résultats, soit la mise sur le marché des nouveautés issues des laboratoires. Pour combler ce déficit, l’Union européenne a créé en 2003 “ProTon Europe”, the Public Research Organisation Technology Transfer Office Network, dont Michel Morant, directeur de l’Interface Entreprises-Université de l’ULg, est actuellement président, pour deux ans.
Le 15e jour du mois : Pouvez-vous présenter l’association ?
Michel Morant : ProTon est une association d’organisations nationales telles que “Lieu” en Belgique ou “Curie” en France. Je m’explique. En Fédération Wallonie-Bruxelles, les Universités et Hautes Ecoles ont chacune mis en place un service de valorisation de la recherche ou Technology Transfer Office (TTO). A l’initiative du Conseil des recteurs des universités francophones de Belgique (Cref), ces acteurs se sont associés pour former un réseau de Liaison Entreprises-Universités (Lieu) qui permet d’aborder de manière coordonnée ces problématiques très techniques. L’ULg et son interface a été fondatrice de Pro Ton, à côté de la KUL et de l’UCL, et d’une cinquantaine d’autres universités européennes relativement avancées dans le domaine.
Le 15e jour : Quelles sont les missions de ProTon ?
M.M. : L’association a pour objectif en premier lieu de venir en appui des membres afin de constituer un système cohérent pour favoriser l’avènement de nouvelles technologies dans le marché. Concrètement, ProTon dispose d’une base de bonnes pratiques, pour la détection, les méthodes de négociation, la politique de protection ou encore de création de spin-offs. C’est d’ailleurs dans ce domaine que l’ULg a apporté sa contribution majeure, se forgeant au passage une belle réputation au sein de l’organisation.
L’association mène aussi un travail de lobbying auprès de l’Union européenne afin de défendre les intérêts de la recherche publique. ProTon est aussi le vecteur pour établir des statistiques à l’échelle européenne afin de déterminer, par exemple, l’activité des universités en matière d’innovation et de cerner, autant que faire se peut, l’impact que cette activité a sur la société. Ce n’est pas toujours chose aisée !
Le 15e jour : Qu’en est-il de la propriété intellectuelle ?
M.M. : Dans les années 1990, les règles relatives à la propriété intellectuelle ont changé. A l’exemple des Etats-Unis qui dix ans auparavant avaient rétabli les universités comme détentrices de ces droits (cfr le Bayh Dole Act en1981), la Wallonie – par le décret Ancion en 1997 – a permis aux universités de s’impliquer dans le monde économique, selon un principe de partenariat dans l’innovation. Depuis lors, les institutions ont quitté le statut de “sous-traitant” pour devenir de véritables partenaires.
Dans les grandes entreprises, cette réalité est maintenant intégrée, tant en Belgique qu’en Angleterre, aux Pays-Bas et en Allemagne. C’est parfois moins vrai en France où l’on note encore une certaine résistance. Mais travailler avec les universités constitue à l’évidence une découverte pour les PME et ce n’est pas la moindre vertu du Plan Marshall d’avoir contribué à ce que des contacts se nouent. La siroperie Meurens par exemple, au sein de Wagralim, mène à présent des projets d’innovation en partenariat avec l’ULg. Lieu a par ailleurs signé une charte avec l’Union wallonne des entreprises afin de fixer les modalités des partenariats. Et ce, toujours dans le même objectif : accélérer et sécuriser les résultats de la recherche afin de la répercuter vers le marché, chacun dans son domaine. C’est le principe d’Open Innovation.
Le 15e jour : Le transfert de technologies, n’est-ce pas un métier curieux à l’Université ?
M.M. : Effectivement ! C’est un métier particulier, ni scientifique, ni administratif stricto sensu, ni économiste, ni juridique, ni commercial mais bien tout à la fois. L’équipe d’Interface est composée essentiellement de scientifiques, ingénieurs ou docteurs ayant suivi en outre des formations spécialisées en économie, en business development, etc. Ces expériences multiformes sont essentielles pour la crédibilité d’un TTO, car les benchmarking internationaux confirment la forte corrélation entre la qualité d’un TTO et son ancienneté.
A cet égard, ProTon incite à la certification des entités et des personnes. L’ULg s’y emploie : Nicole Atheunis et moi-même sommes les deux premiers certifiés en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Le 15e jour : Des projets pour votre présidence ?
M.M. : Je pense – et le conseil d’administration me suit dans cette voie – qu’il faut renforcer la position des associations dans les nouveaux pays européens d’une part, et affermir la reconnaissance du métier d’autre part. C’est pour cela que la Commission a confié à Pro Ton la mise sur pied d’un système européen de certification, et nous y travaillons. Le défi de la qualité est aussi important, surtout quand on est face aux entreprises. Ce sont des sujets qui seront certainement abordés lors de la Convention annuelle, qui se tiendra à Liège du 19 au 21 septembre prochains.
Propos recueillis par Patricia Janssens
Informations sur le site www.protoneurope.org
Dans le cadre de 2012-Année des langues, le 15e jour du mois publie des articles en langues étrangères.
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