Septembre 2012 /216
Septembre 2012 /216

Cancer du col de l'utérus : découverte liégeoise à Boston

FilleOn savait déjà depuis longtemps que la plupart, sinon tous les cancers du col de l’utérus, sont provoqués par des papillomavirus (HPV). Mais alors que de très nombreuses jeunes femmes sont porteuses de ces virus tout à fait communs, seule une toute petite partie d’entre elles développe un tel cancer. Pourquoi ? C’est la réponse à cette question qu’a apporté le travail de Michaël Herfs, un jeune chercheur liégeois en séjour post-doc à Boston dans le service d’anatomo-pathologie du Pr Christopher Crum, sommité mondiale en matière de cancer du col. Ils ont signé ensemble, en juin dernier, une publication dans les Annales de l’Académie américaine des sciences (PNAS) qui marquera probablement un tournant dans le traitement de ce cancer.

10% de femmes à risques

A l’heure actuelle, le cancer du col fait l’objet d’un dépistage assez simple : le frottis de col, que toutes les femmes entre 25 et 65 connaissent bien (ou devraient connaître). Ce prélèvement de quelques cellules à la surface du col utérin à l’aide d’une petite spatule – très rapide et non douloureux – doit idéalement être fait tous les deux ou trois ans, lors d’une visite de routine chez le gynécologue. Quand ce frottis revient “positif”, c’est-à-dire porteur de cellules précancéreuses, les cliniciens sont en général en position assez inconfortable, car ils savent que seule une femme sur dix développera effectivement un cancer et que, chez les neuf autres, la lésion régressera spontanément dans les mois qui suivent. Ils évitent donc de traiter trop vite, préférant en général répéter l’examen après six mois pour confirmation avant d’engager un traitement plus agressif. Celui-ci consiste à retirer la partie centrale du col utérin, un peu comme on enlève le trognon d’une pomme, une intervention appelée “conisation”, assez anodine mais qui augmente par la suite le risque de fausses couches. On comprend donc aisément que pouvoir pronostiquer avec certitude les lésions potentiellement dangereuses permettrait de traiter plus vite les 10% de femmes à risques… et de rassurer les autres 90%.

C’est ici qu’intervient la découverte de Michaël Herfs. Avec ses collègues du laboratoire d’anatomie pathologique du Brigham and Women’s Hospital de Boston (qui fait partie de la faculté de Médecine de Harvard), il a montré qu’il existe au niveau du col utérin une petite population de cellules très particulières, portant une signature génétique bien reconnaissable, qui sont les seules capables de se transformer en cancers agressifs. « Notre hypothèse est que si HPV infecte d’autres cellules que les cellules de jonction, la lésion va régresser spontanément après six à 12 mois, explique Michaël Herfs. Si par contre HPV infecte une cellule de jonction, cette infection sera persistante et évoluera à travers les différentes étapes des dysplasies et du cancer. »

Étant donné que ces cellules possèdent leur signature génétique caractéristique, il devrait donc être possible de les identifier facilement sur les frottis de col suspects. Notre chercheur aurait-il donc mis le doigt sur un marqueur permettant de pronostiquer l’agressivité d’une lésion précancéreuse ? C’est fort probable, mais il reste réaliste : «L’étape suivante, c’est à présent de vérifier l’intérêt clinique et la valeur pronostique d’un tel marqueur. Ce que nous sommes en train de faire, en le dosant systématiquement sur toutes les biopsies qui passent par le laboratoire d’anatomo-pathologie de l’hôpital – le plus grand hôpital gynécologique des Etats-Unis. »

Piste à vérifier

Michaël Herfs et ses collaborateurs ont également démontré qu’une fois détruites, ces cellules ne se régénèrent plus. Ce qui pourrait ouvrir la voie à une nouvelle méthode de prévention radicale du cancer du col. Mais, prudents, ils soulignent aussi qu’il est encore trop tôt pour s’avancer sur cette voie. « En effet, nous ne savons rien d’un éventuel rôle physiologique de ces cellules, fait encore remarquer Michaël Herfs. Bien sûr, elles sont impliquées dans le cancer, mais ce sont peut-être avant tout des cellules souches impliquées dans le renouvellement de l’épithélium du col, par exemple. Les supprimer n’est donc peut-être pas un geste anodin. »

Karin Rondia

Article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Vivant/médecine)

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