Une libération entre passion et raison
En l’occurrence, ce n’est pas la peine, mais l’émotion qui est incompressible (La Libre Belgique, 3/8). La formule du Pr Edouard Delruelle, philosophe, résume l’agitation que la libération conditionnelle de Michèle Martin suscite dans la population, relançant des débats houleux mais rarement informés sur le travail judiciaire. Comme son collègue le sociologue Didier Vrancken (Le Soir, 30/8), il voit dans les événements actuels un nouveau signal de la perte de confiance à l’égard des institutions.
Le professeur de philosophie morale et politique a utilement rappelé le rôle d’un tribunal d’applications des peines, qui ne revient pas sur les crimes qui ont été jugés (mais) regarde la possibilité d’une réinsertion.
Une réinsertion qui correspond à un pari anthropologique, celui qu’aucun individu n’est totalement irrécupérable. Edouard Delruelle ajoute que la suppression de la peine de mort entraîne automatiquement, dans l’esprit, la suppression de la perpétuité réelle (ndlr : ce à quoi Michèle Martin n’était pas condamnée).
Mais l’affaire Dutroux ne passera jamais dans l’opinion publique, constate Edouard Delruelle, laissant notre société comme dans une impasse. Normalement la société trouve toujours une solution symbolique, qu’elle soit religieuse, politique, judiciaire. On voit bien qu’on est ici dans une déchirure irrémédiable qui traverse sans doute chacun de nous.
Poursuivant cette analyse, Didier Vrancken compare la situation actuelle à celle de la fin des années 90 lors des développements de “l’affaire” et de l’apparition des “comités blancs”. On est toujours dans la même émotion (…) Je me souviens qu’à l’époque, j’avais utilisé l’image du volcan, de “l’irruption des foules”… Ce qui m’avait frappé à l’époque, c’est que cette soudaine parole ”blanche” avait fait intrusion dans le champ médiatique en divisant le champ médiatique (…) dans le champ judiciaire en divisant le champ judiciaire (…) dans le champ politique en divisant le champ politique (…) dans le champ social ou familial en divisant le champ social et familial (…) une quinzaine d’années plus tard, on a l’impression d’être toujours sur cette lame de fond.
D.M.