Octobre 2012 /217
Octobre 2012 /217

Les niveaux de pouvoir les plus proches des citoyens

VerjansPierreLes élections du 14 octobre 2012 désigneront les conseillers communaux et provinciaux dans toute la Belgique, sauf à Bruxelles où le niveau provincial a disparu en 1995 avec la création des deux Brabants, le wallon et le flamand. Depuis cette réforme de l’Etat, les élections communales et provinciales sont organisées concomitamment. Leurs compétences sont définies de manière vague mais efficace par l’article 162 de la Constitution : “tout ce qui est d’intérêt provincial et communal”.

Depuis les accords dits du Lambermont, en 2001, l’organisation des provinces et des communes, et non plus leur simple tutelle, est confiée aux Régions. En ce qui concerne la Wallonie, c’est le décret intitulé Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD) de 2004 et modifié profondément en 2005 qui organise les provinces et les communes. Pour résumer, en 2005, le législateur wallon a introduit les concepts de “groupe politique”, de “pacte de majorité” et de “motion de méfiance constructive” dans le désormais CDLD.

Avec la désignation semi-automatique du bourgmestre, ces concepts sont mobilisés pour organiser les communes mais aussi les provinces de manière plus transparente et plus responsable. Enfin, le décret du 26 avril 2012 organise notamment le droit d’interpellation aux conseils communal et provincial pour tous les habitants. Pour plus de détails, on peut lire les articles produits ces dernières années* par l’unité d’étude des systèmes politiques belges du département de science politique. En guise de simplification, on peut dire que les élus des listes constituent des groupes politiques et que le pacte de majorité lie ces groupes pour la désignation des fonctions d’échevins et de président du Centre public d’action sociale (CPAS), le bourgmestre étant automatiquement “le conseiller de nationalité belge qui a obtenu le plus de voix de préférence sur la liste qui a obtenu le plus de voix parmi les groupes politiques qui sont parties au pacte de majorité”. Enfin, pendant à peu près les trois ans du milieu de mandat, les groupes politiques peuvent déposer une motion de méfiance à l’égard du collège communal ou d’un de ses membres, à condition de proposer un nouveau pacte de majorité. Contrairement aux inquiétudes de certains, seules 15 communes wallonnes, soit 5,7% d’entre elles ont eu recours à une motion de méfiance constructive (individuelle ou collective) depuis la création du système : il n’y a donc pas eu de déstabilisation du pouvoir communal global.

On parle beaucoup des élections communales et peu des élections provinciales. C’est que les communes sont plus actives, plus proches, plus visibles que les provinces. Par ailleurs, depuis plusieurs décennies, l’existence même des provinces est remise en cause, la dernière proposition s’articulant autour des “bassins de vie”. Les provinces disposent de beaucoup de moyens financiers et interviennent massivement dans les intercommunales auxquelles on reproche souvent un manque de transparence démocratique. Beaucoup de moyens et peu de légitimité : de quoi alimenter les convoitises des pouvoirs voisins, mais les députés provinciaux résistent tant qu’à présent.

Comme on l’a vu durant la campagne et comme on le verra à l’annonce des résultats des élections, les partis d’opposition tentent d’utiliser ceux-ci à un autre niveau de pouvoir pour déstabiliser la majorité à laquelle ils font face. C’est ainsi que la N-VA essaie de transformer le scrutin en un test fédéral pour obtenir des avancées sur le plan communautaire. C’est ainsi aussi que le MR, dans l’opposition au niveau régional, et fédéral wallon-bruxellois (cette dénomination montre aussi la complexité de la nouvelle dénomination de la Communauté française de Belgique puisqu’en la suivant, nous avons désormais deux niveaux de pouvoir fédéral dans notre pays !), tente d’attaquer la légitimité des gouvernements régionaux et, disons, communautaires.

L’entremêlement des agendas ne s’impose pourtant pas institutionnellement. C’est la réalité de la perception politique qui transforme une élection en un test à un autre niveau. Et la réalité de la perception politique provient souvent de la capacité de faire croire, de faire partager son émotion de la part d’un mouvement ou d’un dirigeant politique. Le fait qu’un acteur politique puisse imposer sa façon de voir les choses se reconnaît dans la manipulation de l’opinion par Bart De Wever et, à l’inverse, par l’impuissance actuelle des dirigeants de l’Open VLD à renverser la vapeur, à faire passer leur argumentaire et leur discours dans les médias et auprès des opinions publiques.

Pierre Verjans
chargé de cours au département de science politique, faculté de Droit
Photo : J.-L. Wertz 

* G. Matagne, E. Radoux, P. Verjans, “La composition du collège communal après la réforme du Code wallon de la démocratie locale”, Courrier hebdomadaire du Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp), n°2094, 2011, Bruxelles.

L. Durviaux, G. Matagne, E. Radoux, P. Verjans (dir.), Le code de démocratie locale et de décentralisation : enjeux et bilans politiques, Bruxelles, Larcier, Performance publique, 2012.

 

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