Blouses blanches, chemises à fleurs, cols bleus ou blancs, tous défilent interminablement dans cette immense verrière du CHU, véritable centre névralgique de l’hôpital, devenu depuis peu le terrain d’exploration de l’artiste belge Djos Janssens. Et si certains filent d’un pas déterminé, d’autres, pas pressés, attendent assis, bras croisés. C’est pour eux que l’artiste à affrété ses outils de téléportation d’un quotidien à un autre, plus coloré celui-là, plus poétique surtout. Avec Near You, Djos Janssens inaugure jusqu’au 14 décembre “Artiste à l’hôpital”, le nouveau cycle d’expositions du Musée en plein air du Sart-Tilman lancé par Julie Bawin, présidente de la commission culturelle du musée et commissaire de l’expo. Rencontre.
Le 15e jour du mois : Introduire l’art à l’hôpital, n’est-ce pas un peu saugrenu ?
Julie Bawin : Il me semble que non, car si l’oeuvre d’art n’a pas en soi une vertu curative, elle peut néanmoins constituer une source de rêverie, d’évasion, de réflexion. Et puis, faut-il le rappeler, le bâtiment du CHU, conçu par l’architecte liégeois Charles Vandenhove, abrite, depuis son origine, des oeuvres de grands noms de l’art conceptuel, tels que notamment Sol LeWitt ou Niele Toroni. Ainsi trouve-t-on, depuis longtemps, des oeuvres intégrées au bâtiment et subtilement conjuguées aux missions médicales et scientifiques du lieu.
Le 15e jour : Intégrer l’art dans un espace public, c’est aussi le rendre plus accessible. Est-ce un des objectifs de cette initiative ?
J.B. : Ce n’est pas à l’origine même du projet mais oui, ce lien existe indubitablement. L’art dans l’espace public induit des questionnements qui ne se rencontrent pas dans un musée ou dans une galerie. A l’hôpital, le visiteur ne vient pas sciemment chercher de l’art ; à lui de s’y intéresser ou non.
Le 15e jour : Comment avez-vous sélectionné l’artiste inaugural ?
J.B. : Il fallait trouver un artiste susceptible de créer, à travers ses intégrations, la surprise et de poser un regard dans ce cadre bien particulier qu’est l’hôpital. Djos Janssens s’est rapidement imposé. D’abord, parce que le travail qu’il a réalisé à l’Universitair Ziekenhuis de Gand (où il a transformé de manière pérenne quatre salles d’attente) lui a donné une connaissance très fine du milieu hospitalier. Ensuite, parce que Djos Janssens est véritablement un artiste de l’intégration in situ. Son oeuvre, d’apparence, peut sembler simpliste mais elle est le fruit d’une très grande recherche. Dans un premier temps, on peut même passer à côté, ne pas voir ce qu’il a réalisé et puis peu à peu se rendre compte de tout ce que l’artiste est en train de nous dire – ponctuations critiques, glissements et superposition de sens –, et s’apercevoir de la cohérence de son discours.
Le 15e jour : “Near You” n’est qu’un premier volet, d’autres expositions sont donc prévues ?
J.B. : Oui, bien sûr, puisqu’il s’agit d’un cycle. Une prochaine exposition pourrait être confiée à Jeanne Susplugas, une artiste française qui mène depuis de nombreuses années une réflexion sur l’industrie pharmaceutique et avec qui j’ai déjà eu l’occasion de travailler. Pour le reste, c’est en cours de réflexion, le choix s’opérant de manière collégiale au sein de la Commission culturelle du Musée en plein air.
Propos recueillis par Martha Regueiro
Parler de l’hôpital, c’est parler de la vie tout simplement Des courts métrages diffusés sur les téléviseurs de l’accueil; des roll-ups détournés de leur fonction première pour faire vaguer l’imagination ; une tonnelle dans le hall pour nous faire oublier cet été “pourri” ; sur les balcons du deuxième étage, deux phrases imbriquées dans une gamme pantone ; du hall à la salle d’exposition du Musée en plein air (-3), un parcours poétique coloré, parsemé d’extrait d’Omar Khayyam, de Paul Valéry, d’Apollinaire, etc. Une fois le -3 atteint, un inespéré trampoline, un canapé, des livres inspirants… Djos Janssens crée des microcosmes qui distraient le visiteur, le patient, le personnel soignant de son quotidien. « Détourner les pensées et la vision des gens pendant ne serait-ce que quelques secondes, me paraît important, car pendant ce temps, ils ne pensent pas à autre chose que ce qu’ils sont en train de découvrir », explique-t-il. |