Octobre 2012 /217
Octobre 2012 /217

La revue Art&fact sort un numéro historique

ArtFact-CoverEn 2010, l’ouvrage collectif Le tournant des années 1970. Liège en effervescence revisitait la vie culturelle liégeoise d’une époque foisonnante à bien des égards et dont les moins jeunes se souviennent avec pas mal de nostalgie. Il faut dire que les promesses de Mai 68, autant que les luttes pour un avenir meilleur, avaient alors imprégné les esprits créateurs d’un dynamisme intellectuel et d’un bouillonnement artistique peu communs.

La décennie 1980 ferait-elle pâle figure par rapport à la précédente ? Ce n’est pas l’impression qui se dégage à la lecture de la 31e livraison de la revue Art&fact, intitulée Art&fact 2012 – Les années 1980 à Liège. Art et culture. Même si, comme le fait observer dans l’introduction Julie Bawin, codirectrice scientifique de ce numéro, « tantôt qualifiées de décennie dorée, tantôt présentées comme une période de crise, de désillusions ou de rupture, [c]es années 1980 sont sujettes à des appréciations aussi diverses que contradictoires ». Il n’empêche qu’à y regarder de plus près, une réelle ligne de force les a traversées, relevant à des degrés divers d’une culture “alternative”. Autrement dit, après l’emballement pour les lendemains qui chantent est venu le temps d’une postmodernité gagnée par le scepticisme. Si l’on conteste toujours – à quoi se réduiraient l’art et la littérature sans cette dimension intempestive ou subversive ? –, on le fait sans du passé faire table rase, plus volontiers conscient de la relativité des choses et de l’intérêt à redécouvrir sans a priori les oeuvres antérieures. Face aux manquements du système institutionnel, enfin, on n’hésite pas à constituer de petits groupes, de quoi mieux créer des contre-pouvoirs à la culture “officielle”.

Le recueil rend compte de cet état d’esprit qui a prévalu, dans le champ créatif liégeois, durant la tranche chronologique retenue. « Il fait [...] fi des hiérarchies académiques en accueillant des textes rédigés par une étudiante et des historiens de l’art actifs hors du milieu universitaire », note dans son avant-propos Jean-Patrick Duchesne, codirecteur scientifique d’une initiative qui « décloisonne les métiers de la recherche et de la création». Le résultat est à l’image de l’ambition de l’entreprise : y sont tour à tour abordés les arts plastiques, l’architecture et l’urbanisme, la photographie, la création audiovisuelle – dont le cinéma – , la bande dessinée, la littérature – y compris la poésie –, l’histoire culturelle wallonne et finalement la musique. Le tout agrémenté d’illustrations, d’interviews et de la présentation de deux oeuvres éditées à l’occasion de la sortie de la revue.

Au terme du parcours de ce volume très dense qui sort à l’occasion du 30e anniversaire de l’ASBL Art&fact, on ne peut qu’être convaincu de la vivacité de la culture telle qu’elle s’est exprimée de longue date à Liège. Ses acteurs, si diversifiés qu’ils aient été dans les années 1980, ont poursuivi, certes chacun à leur manière, les jalons posés par leurs devanciers. Et les textes réunis ici ne peuvent que donner plus de visibilité aux témoins d’une production artistique et littéraire qu’il serait déplorable d’oublier, que ces témoins soient écrivains, poètes, réalisateurs, vidéastes, peintres, sculpteurs, architectes, photographes ou simples galeristes. Bref, en ces temps d’effervescences frivoles et consuméristes, les “passeurs de culture” – comme il existe des “passeurs de mémoire” – sont plus que jamais nécessaires. Les concepteurs et les auteurs de ce numéro historique d’Art&fact l’ont été, assurément.

Henri Deleersnijder

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