Avec sa caméra dôme et ses rangées de chaises à tablettes, la pièce semble aménagée en vue d’un canular en live de François l’Embrouille. Reste que ceux qui pousseront la porte de la pharmacie didactique flambant neuve, derrière les casiers, à côté du labo des étudiants, se prêteront à une mise en situation indubitablement sérieuse.
En 2010, à l’instar d’autres universités belges ou étrangères, le conseil de département des sciences pharmaceutiques (faculté de Médecine) présidé par le Pr Philippe Hubert avait opté pour la mise sur pied, en ses murs, d’une pharmacie destinée à l’apprentissage. Le projet pédagogique a été mûrement réfléchi et, dès la rentrée 2011, un local d’environ 50 m² fut progressivement aménagé en copie quasi conforme d’une véritable pharmacie. Il s’agira d’un outil pédagogique, prêt pour cette rentrée académique, mis à la disposition, non seulement des étudiants de master en pharmacie, mais également des étudiants en cours de spécialisation en médecine générale. « Le fait de l’ouvrir aux futurs médecins s’inscrit dans la volonté d’améliorer la communication entre les deux professions, explique Geneviève Philippe, docteur en sciences pharmaceutiques et coordinatrice pédagogique de la filière. Et c’est au niveau des études que cela se met le mieux en place. Les exercices de simulation permettront une mise en situation loin du stress du stage et avec un peu de recul, en milieu sécurisé. Il s’agit d’une sorte de jeu visant à travailler les compétences en matière de gestion du travail, de gestion de la qualité, de communication et de conseil au patient. »
Car, en cette année d’aggiornamento, un cours de bonne pratique pharmaceutique officinale sera dispensé par Patrick Herné, inspecteur de la pharmacie (Agence fédérale des médicaments et des produits de santé) et chargé de cours au département, lequel repose sur un arrêté royal de l’année 2009 imposant le respect d’un manuel de qualité qui doit être tenu et élaboré dans toutes les officines. Ce même arrêté définit également les quatre zones (comptoir, rangement, préparation et confidentialité) dans lesquelles les étudiants seront filmés dans leurs balbutiements.
Dans cet environnement de camaïeux médicamenteux, il ne sera pas question d’ânonner des formules toutes faites. Il s’agira évidemment de mise en situation, de réflexion et de discussions en petits groupes d’une quinzaine d’étudiants lors d’enseignements de type séminaire, mais aussi d’enregistrement de séances pouvant être projetées, en direct ou en différé, lors d’enseignement en grands groupes. Ce genre d’utilisation “mixte” coïncide avec les pratiques pédagogiques actuellement en vigueur au sein de la Faculté : alternance de cours magistraux, de séminaires en petits groupes et de séances “Problem-Based Learning”.
« Les étudiants rencontrent souvent des difficultés dans l’exercice de vulgarisation à destination de la patientèle. Ce n’est pas toujours facile, par exemple, de fournir des réponses sur le moment, à propos de la prise des médicaments ou de livrer des conseils hygiéno-diététiques. Les étudiants connaissent tous la composition d’un lait pour bébé mais beaucoup seraient incapables de préparer un biberon… », sourit Geneviève Philippe. Le recours à la pharmacie didactique permettra d’aborder plus en profondeur les tensiomètres ou la manière d’équilibrer la balance de précision.
Hormis le va-et-vient incessant des patients enrhumés, nauséeux, la pharmacie didactique a tout d’une vraie. Du mobilier pharmaceutique permettant un rangement conforme à la législation (étagères, armoires fermées) au logiciel de gestion officinale opérationnel sur deux postes de travail. Le matériel nécessaire aux préparations est lui aussi disponible : petit matériel pour les préparations magistrales (mortier, gélulier, etc.), équipement de laboratoire dont balance d’analyse et agitateur magnétique et matières premières (principes actifs et excipients). Sans oublier l’essentiel de l’arsenal des médicaments en délivrance libre ou sous prescription, y compris la gamme complète de certains génériques et les autres produits vendus en officine tels que les dispositifs médicaux et nutriments, articles de santé ou de soins.
« Des partenaires comme les firmes pharmaceutiques, des bandagisteries ou des fabricants de compléments alimentaires ont mis certains produits à notre disposition. La pharmacie hospitalière du CHU, des collègues, ainsi que quelques étudiants nous ont également amené des boîtes vides. Et même de la colle pour dentiers, du shampoing ou des crèmes de beauté. Cela montre qu’ils ont très envie d’être dans notre projet », souligne Marie-Laurence Prévôt, assistante pédagogique et pharmacienne qui a mis en oeuvre l’aspect pratique de la fausse-vraie pharmacie.
Fabrice Terlonge