La prophétie annoncée par quelques fidèles ne s’est pas réalisée. La 3D n’est pas devenue ce monstre hégémonique des salles obscures qui devait rendre totalement désuets les films en 2D et envahir chaque petite parcelle de foyer dotée d’un téléviseur. « Pas encore », dirait certainement Jacques Verly, professeur à l’Institut Montefiore, immergé dans les profondeurs de la 3D depuis 1984, lorsqu’il était chercheur au MIT. Si la déferlante de films stéréoscopiques – dopée par l’excitation générale qui a suivi la sortie du messianique Avatar de James Cameron – s’est rapidement essoufflée, « faute de suffisamment de contenus de qualité », et si certains annoncent déjà sa disparition des petits et grands écrans, le relief au cinéma (et à la maison) n’a cependant pas dit son dernier mot. « Le cinéma en 2D n’est qu’un accident historique », ose d’ailleurs le Pr Jacques Verly qui, pour la quatrième année consécutive, organise le congrès 3D Stereo Media, un symposium d’envergure internationale imaginé entre les murs de l’Institut Montefiore. Une assertion – que l’on vérifiera au mieux au siècle prochain – qu’il avoue inspirée du Californien Ray Zone, pionnier de la 3D stéréoscopique, présent lors de la dernière édition de ce rendez-vous à la croisée de la science, de la technologie et de l’art.
Le son démultiplié
Cette année, c’est conjointement à l’hôtel Crowne Plaza et dans un Opéra royal de Wallonie flambant neuf que scientifiques, ingénieurs, hommes d’affaires, producteurs et artistes se rassembleront – « chose peu courante mais très appréciée de tous ces métiers de la 3D », se réjouit Jacques Verly – pour assister aux conférences, suivre s’ils le veulent une formation à la stéréographie et à la réalisation de films 3D et, dans les cas les plus heureux, sceller le deal qui permettra à un nouveau projet 3D de voir le jour. On y parlera bien entendu cinéma. Mais pas seulement. Les domaines d’application de la technologie 3D sont en effet nombreux : télévision, jeu vidéo, aérospatial, médecine – dernièrement l’équipe du Pr Verly a d’ailleurs mis au point un système de navigation neurochirurgicale 3D et travaillé en collaboration avec d’autres départements sur l’analyse du mouvement corporel humain. Traditionnellement engoncé dans un second rôle au cinéma, le son lui aussi rêve de plus en plus de s’aventurer dans la troisième dimension. « La 3D en son s’obtient en démultipliant les canaux – un petit nombre de sociétés proposent déjà des systèmes à plus de 100 canaux –, en disposant les haut-parleurs adéquatement dans une salle afin de reproduire au mieux la distribution spatiale du son (en azimut et hauteur), à le rendre hyperréaliste, explique le professeur. Au cours du congrès, des démonstrations de son 3D seront réalisées : nous proposerons aux congressistes de faire l’expérience de la troisième dimension sonore en les coiffant de casques stéréo et en équipant la salle polyvalente de l’Opéra d’un arsenal de haut-parleurs 11.1, dont la “Voix de Dieu” au plafond. »
En guise de soirée de clôture de cette mini-semaine de la 3D : une soirée de gala à la mode red carpet et step and repeat pour encadrer le désormais traditionnel festival du film 3D (« une soixantaine de films 3D ont été soumis à notre évaluation ») présidé par le réalisateur belge Ben Stassen – Fly me to the moon, Les aventures de Sami –, lequel se doublera cette année d’une compétition aux accents plus hollywoodiens. L’International 3D society (I3DS), association implantée dans la capitale américaine du cinéma, a en effet choisi la cité principautaire comme point de chute européen pour y décerner ses statuettes Lumière, « récompenses qui célèbrent une production 3D (cinéma, broadcast ou jeu vidéo) européenne, moyen-orientale ou nord-africaine de l’année écoulée. La statuette avec laquelle repartira chaque lauréat sera identique à celle que Scorsese s’est vu remettre pour son film Hugo Cabret », glisse fièrement le cofondateur et coorganisateur de l’événement.
Analyse de la technique
Du côté de l’Institut Montefiore, sans doute inspiré par cette litanie de films 3D en compétition qu’il s’agit d’évaluer, on espère à l’avenir apporter une expertise et des solutions en matière de stéréographie. « L’idée serait de mettre au point une boîte noire, truffée d’algorithmes de traitement de signal et d’image, qui puisse analyser automatiquement la qualité technique d’un film 3D et avertir l’opérateur qui l’utilise lorsque le film sort des zones de confort définies par des règles mathématiques correspondant à des contraintes physiologiques ; il arrive qu’en violant ces règles, un réalisateur provoque un inconfort physique chez le spectateur. Un tel outil garantirait un verdict toujours objectif quant à la qualité technique du film – contrairement à l’être humain qui, s’il est fatigué, peut passer à côté de certaines imperfections», conclut le Pr Verly.
Liège semble en tout cas disposer des ressources pour devenir la “3D Valley européenne” qu’il se plaît à imaginer. Un film de promotion sera d’ailleurs dévoilé lors du congrès.
Michael Oliveira Magalhaes
3D Stereo MediaLe forum européen de la 3D-stéréo pour la science, la technologie et l’art numérique, du 3 au 6 décembre, à l’hôtel Crowne Plaza de Liège et à l’Opéra royal de Wallonie. Contacts : courriels jacques.verly@ulg.ac.be et alexandra@eventis.com, site www.3dstereomedia.eu |