Novembre 2012 /218
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De l’influence au transfert

Longtemps, dans le domaine des arts, il a été question d’influence. De Sainte-Sophie de Constantinople, par exemple, sur la Chapelle palatine de Charlemagne à Aix et, de là, sur l’église Saint-Jean l’Evangéliste à Liège. Le même mot a aussi été “suremployé” en peinture, pour l’empreinte exercée par la Renaissance italienne, entre autres, sur les artistes du nord de l’Europe à l’aube des Temps Modernes.

DeSiloeGilDepuis une dizaine d’années au moins, les historiens de l’art ont développé une véritable allergie à l’égard du terme “influence”. Le trouvant décidément trop vague et peu pertinent, ils l’ont allègrement laissé tomber au profit de celui de “transfert”, à leurs yeux beaucoup plus approprié au champ qui le concerne, car porteur de critères vraiment objectifs, plus éclairant en tout état de cause. A ce propos, le cas d’un Daniel Mauch est emblématique : cet artiste d’Ulm dans le Bade-Wurtemberg, auteur de plusieurs sculptures de la Vierge, se voit subitement privé de commandes lorsque la ville où il a reçu sa formation et pratiqué son métier se rallie à la Réforme. Il se décide alors à rejoindre Liège, cité principautaire restée fidèle à l’Eglise romaine et donc au culte des saints, dans laquelle il arrive nécessairement avec ses techniques propres et y poursuit ses activités créatrices. En somme, il y devient un artiste exogène.

Photo : Gil de Siloé, tombeau de l'infant Alonso (Burgos, chartreuse de Miraflores, XVe siècle)

Quantité de ses homologues ont connu des destinées semblables dans le passé, preuve de l’importance de la mobilité des artistes et des oeuvres au cours du Moyen Age tardif et de la première Modernité. Il en va ainsi du sculpteur flamand Gil de Siloé, actif entre 1486 et 1501 à Burgos où il réalise les gisants d’Isabelle de Portugal et de Jean II de Castille dans la Chartreuse de Miraflores. C’est de nos régions que s’opère ici, grâce à lui, une série de transferts de formules stylistiques vers la péninsule Ibérique. On pourrait multiplier à l’envi ce type d’échanges qui ont ponctué l’histoire artistique de l’Europe.

« La journée d’étude du 16 novembre, intitulée “Les transferts iconographiques et stylistiques à l’époque gothique (XIIe -XVIe siècle)”, se penchera sur les déplacements opérés par ces hommes ainsi que sur les oeuvres qui en ont résulté », signale Benoît Van den Bossche, chargé de cours, membre du département de recherche sur le Moyen Age tardif et la première Modernité “Transitions” de l’ULg et co-organisateur de la rencontre. « A vrai dire, elle est la troisième du genre : la première s’est tenue en 2010 à Paris, à l’Institut national de l’histoire de l’art, et avait pour objet “Les transferts techniques et technologiques dans l’Europe gothique” ; la deuxième, en 2011, avait eu pour cadre l’université de Toulouse II-Le Mirail et portait sur “Les aspects socioprofessionnels des transferts artistiques”. »

On le voit, cet événement clôture un cycle qui rythme un ample projet d’investigations. « Lequel, précise Benoît Van den Bossche, comporte une dimension internationale affirmée puisqu’un grand réseau de chercheurs s’applique intensivement à rassembler des milliers d’informations au sujet de ces circulations d’artistes, d’oeuvres ou de modèles, et ce dans le rapport dynamique et dialectique que les uns et les autres entretiennent avec les milieux d’accueil et de réception. »

Ajoutons que ce colloque est conjointement organisé par l’université de Nantes, l’Institut national d’histoire de l’art, Paris (Jean-Marie Guillouët), l’université de Toulouse II-Le Mirail (Jacques Dubois) et l’université de Liège (Benoît Van den Bossche). Il sera aussi polyglotte, les intervenants issus de plusieurs Etats européens – tant de l’Est que de l’Ouest – ayant la possibilité de s’exprimer dans la langue de leur pays d’origine. L’art n’ayant que faire des frontières, il serait vraiment dommage que les idiomes fassent obstacle à sa diffusion.

Henri Deleersnijder

Les transferts iconographiques et stylistiques à l’époque gothique

Journée d’étude, le vendredi 16 novembre, à la Salle académique, place du 20-Août, 4000 Liège.

Contacts : tél. 04.366.54.73, courriel benoit.vandenbossche@ulg.ac.be, site www.transitions.ulg.ac.be

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