Un film de Sébastien Lifshitz (2012).
A voir aux cinémas Le Parc, Churchill et Sauvenière.
Les Invisibles. Derrière cette nébuleuse se cachent des hommes et des femmes longtemps condamnés à la marge. Parce qu’ils sont (physiquement) vieux ou parce qu’ils sont (simplement) gays ? Un peu des deux, sans doute. Le documentaire de Sébastien Lifshitz parle des uns comme il parlerait des autres. Prétexte mutuel pour une approche humaine intéressée par l’histoire personnelle de témoins privilégiés, ce double regard offre une palette de récits aux couleurs des grands changements et des espérances amorcées au cours des décennies passées. Quelle est la place laissée à nos pères, nos anciens, nos prédécesseurs dans nos sociétés ? Quelle est, ensuite, celle qu’elles concèdent encore un peu péniblement à nos pairs, toutes orientations sexuelles confondues ? Double question qui tente de rétablir l’équilibre en offrant à ces récits un moment de visibilité. Contempler des visages, leurs traits qui sont autant de traces de vie, de moments vécus et racontés. Laisser résonner des voix parfois un peu étouffées. Tel est le pouvoir du cinéma.
L’histoire du projet elle-même est empreinte de cette intimité. Ou lorsque l’acte de filmer égale celui du collectionneur. C’est en effet en tombant sur un album acheté à deux vieilles dames que naît l’intérêt du réalisateur et voilà que germe une idée basée sur une seule intuition. Débute alors une longue quête à la recherche de couples homosexuels de tous âges, acteurs ou héritiers de la grande époque de chambardement. Coïncidence du calendrier ou réelle intuition, Les Invisibles sort à un moment où les questions qui en découlent alimentent avec force le débat portant sur l’homoparentalité et le mariage homosexuel en France, attestant un peu plus encore de la pertinence incontestable de ce film.
Derrière des qualités esthétiques évidentes, il se présente principalement sous la forme assez classique de l’interview en série retraçant l’histoire militante d’activistes retraités, leurs premiers engagements, le tournant ressenti dans la foulée de Mai 68 bien en tête. Et très vite, d’autres invisibles font irruption, ceux qui n’ont plus la parole, présents sur des photos du passé ou dans les mémoires attaquées et travaillées par le temps. Car le film de Sébastien Lifshitz fait travail de mémoire, tout en “fictionnalisant” partiellement et légèrement une mise en forme, tournée vers l’instant et l’avenir, à l’aide d’une musique additionnelle et d’un format scope qui lui donneront sa pleine dimension dans les salles obscures. Celle d’une sexualité encore et toujours vive, d’une sensualité qui n’a d’âge ni de frontières, qui n’attend pas pour aimer.
Renaud Grigoletto
Si vous voulez remporter une des dix places (une par personne) mises en jeu par Le 15e jour du mois et l’ASBL Les Grignoux, il vous suffit de téléphoner au 04.366.48.28, le mercredi 19 décembre de 10 à 10h30 et de répondre à la question suivante : sur quelle réalisatrice française porte le documentaire de Sébastien Lifschitz dans la série “Cinéastes de notre temps” ?