Janvier 2013 /220

Le point de vue du Recteur sur le projet du ministre Marcourt

Le ministre de l’Enseignement supérieur, Jean-Claude Marcourt, a présenté à la fin de l’année dernière un avant-projet de réforme du paysage de l’enseignement supérieur sur une base géographique et non plus philosophique. Le moins que l’on puisse dire est qu’il a soulevé un tollé dans la presse, l’UCL et cinq Hautes Ecoles bruxelloises ayant fustigé la proposition. Présenté au Parlement de la Communauté française, le texte n’a pas encore reçu l’accord des partenaires de la majorité.

RentierBernardPour le recteur de l’ULg, Bernard Rentier, cet avant-projet de décret a le mérite de proposer, enfin, une réforme sérieuse de l’enseignement supérieur et le courage de mettre un terme à une structure héritée du passé. Interview.

Le 15e jour du mois : Que pensez-vous, globalement, de ce texte?

Bernard Rentier : Il est encore imparfait et plusieurs amendements ont été suggérés. Mais c’est un projet courageux qui propose d’organiser notre enseignement supérieur dans l’esprit de Bologne en tenant compte de nos spécificités et des moyens que la Communauté française entend lui consacrer. En sachant aussi que cet investissement financier, s’il est important, est stratégique pour notre région. J’ajoute que ce texte comporte des dispositions en faveur des étudiants, de leur réussite notamment.

Le 15e jour : Quels sont, à votre avis, les points positifs majeurs de cet avant-projet ?

B.R. : C’est la première fois qu’un décret organise une synergie entre toutes les institutions d’enseignement selon une logique de “pôles académiques d’enseignement supérieur” (PAES) dans un bassin de vie. Composés des Hautes Ecoles et des Ecoles supérieures d’art autour d’une université, ces pôles permettront à l’avenir de limiter les concurrences stériles et, surtout, dispendieuses. Le projet du ministre Marcourt rend possible une gestion cohérente des habilitations et de la recherche, ainsi qu’une meilleure coordination des formations au plan régional. Tout en sauvegardant un enseignement de proximité, gage d’une grande démocratisation d’accès aux études, le texte aura pour conséquence bénéfique d’accroître la visibilité de tous les établissements à l’étranger.

Le 15e jour : L’avant-projet fait fi du clivage actuel entre réseaux…

B.R. : C’est aussi un des grands mérites du texte d’organiser l’enseignement supérieur par-delà l’héritage des piliers philosophiques en privilégiant les regroupements sur base géographique. C’est la seule solution. Favoriser les contacts entre institutions d’une même région, au sens large, est cohérent dans la mesure où chacune peut ainsi proposer aux jeunes un maximum de filières sans qu’elles soient redondantes. Tout le monde est subventionné par les mêmes deniers publics, la redondance dans un même lieu est donc inacceptable.

Pour stimuler cette logique d’interconnexion et créer une vraie dynamique, il faut aussi multiplier les liens avec le tissu économique local : réfléchir en termes géographiques est le seul moyen de répondre de manière adaptée à la complexité de la réalité sociale et économique. Par ailleurs, je me permets d’insister sur le fait que les synergies locales n’interfèrent en rien avec le rayonnement international des institutions.

Le 15e jour : Que pensez-vous de la création d’une Académie de recherche et d’enseignement supérieur (Ares)?

B.R. : L’Ares chapeauterait l’ensemble des pôles académiques et deviendrait un véritable lieu de concertation pour tous les acteurs du supérieur, lequel manque cruellement aujourd’hui. L’objectif de cette structure faîtière est d’organiser le dialogue entre établissements et de coordonner les moyens de la recherche. La réforme, tout en préservant l’autonomie des institutions, veut les inciter à confier aux pôles académiques et à l’Ares des missions qu’elles remplissaient, auparavant, chacune de leur côté, notamment celles relatives à l’information, à la guidance, à la réorientation des étudiants. Ceci afin de réduire la concurrence entre institutions. L’Ares bénéficiera aussi d’une administration utile à tout l’enseignement supérieur, pour la collecte des données statistiques entre autres.

Dans un premier temps, le ministre avait suggéré que l’Ares soit présidée par un administrateur désigné par le gouvernement, mais il a déjà, à la demande pressante des Recteurs notamment, accepté que celui-ci soit choisi parmi trois candidats proposés par le conseil d’administration. Il va de soi que sera protégé le fondement essentiel de nos institutions, à savoir l’autonomie et la liberté intellectuelle.

Le 15e jour : Vous dites que l’avant-projet est favorable aux étudiants ?

B.R. : Oui. Dans le droit fil de l’esprit de Bologne, le ministre Marcourt propose que l’étudiant puisse évoluer à son rythme en cumulant des crédits lors d’un parcours qui serait indépendant des années d’étude. Cela intéressera les plus faibles qui pourraient étaler leurs cours sans vivre une situation d’échec. Fondamentalement, cela ne change pas grand-chose puisque aujourd’hui un étudiant peut doubler chaque année et terminer ses études de Droit, par exemple, en dix ans… mais cela bouscule un peu nos habitudes. D’autant que les modalités d’inscription ne sont pas précisées. Même si cette mesure me paraît intéressante, je crois qu’elle n’est pas encore mûre.

Propos recueillis par Patricia Janssens
Photo : J.-L. Wertz

Voir à ce sujet la “Lettre ouverte au recteur de l’UCL” signée par les recteurs de l’université libre de Bruxelles, de l’université de Mons, de l’université de Namur, de l’université Saint-Louis-Bruxelles et de l’université de Liège sur le site www.ulg.ac.be/lettreouverte

|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants