Janvier 2013 /220

Des pistes pour favoriser le renouvellement urbain

4facades« L’étalement urbain monofonctionnel et peu dense, au-delà des limites de la ville traditionnelle, constitue un des phénomènes les plus marquants de l’évolution des territoires européens depuis la révolution industrielle. Il menace, par sa rapidité et sa constance, l’équilibre environnemental, social et économique de l’Europe. » C’est ce qu’écrit Anne-Françoise Marique, ingénieur architecte-urbaniste (ULg), en introduction de la thèse de doctorat qu’elle vient de défendre en faculté des Sciences appliquées. Intitulée “Méthodologie d’évaluation énergétique des quartiers périurbains”, son sous-titre, “Perspectives pour le renouvellement périurbain wallon”, laisse en entrevoir le leitmotiv : l’habitation à quatre façades en quartier résidentiel a vécu. « La périurbanisation, ce sont des quartiers à faible densité d’habitations – entre 5 et 12 logements par hectare urbanisé –, monofonctionnels (uniquement du logement), caractérisés par une discontinuité spatiale (les construits se trouvent sur des terrains vierges autrefois : on n’a pas construit à côté de l’existant), explique Anne-Françoise Marique. Ces quartiers, souvent éloignés des centres-villes et des noyaux ruraux, impliquent par ailleurs une forte dépendance au véhicule individuel. La périurbanisation reste toutefois perçue, par de nombreux ménages wallons comme une réponse adéquate aux problèmes posés par l’environnement urbain. »

Filière collective

Proposant une évaluation énergétique de ces quartiers en considérant à la fois la consommation énergétique relative au bâtiment – 75% des consommations énergétiques d’un bâtiment vont au chauffage – et celle relative à la mobilité des habitants, Anne-Françoise Marique dégage des pistes pour favoriser le “renouvellement périurbain”. Et ainsi dépasser “l’incohérence de fait” entre certaines politiques urbanistiques communales, pétries d’une vision négative de la densité, et le discours politique régional prônant une réforme du modèle périurbain sans pourtant s’en donner les moyens. Privilégiant une « approche pragmatique ciblant le stock bâti existant », la chercheuse a voulu savoir « où et comment intervenir ».

Qu’est-ce à dire ? « L’heure est au “tout isoler”, explique l’ingénieur architecte. Or, cette option est irréaliste. Les bâtiments wallons, très peu isolés du fait de leur construction antérieure à 1984, année de la première loi thermique, mobiliseraient, pour bien faire, des investissements colossaux (50 000 à 60 000 euros par habitation). Qui, bien entendu, seraient laissés à la charge des propriétaires privés. » Autre piste, la densification : diviser les grandes parcelles pour bâtir à proximité des habitations s’y trouvant déjà. L’initiative serait laissée aux propriétaires privés – « On pouurait les inciter à remettre à disposition quelque 400 m2 de leur parcelle de 1000 m2. » – et aux autorités publiques. Et la chercheuse d’inviter les communes à racheter des disponibilités foncières. Il serait alors possible de mieux définir les spécifications urbanistiques. En d’autres termes, d’imposer les règles du jeu aux promoteurs qui se porteraient acquéreurs de ces terrains. Imposer pour contourner la “barrière des mentalités”. Et quelles règles ? « Privilégier les habitations mitoyennes et la construction de petits collectifs, soit des petits immeubles d’appartements, à mi-chemin entre le modèle périurbain actuel et les immeubles du centre-ville. »

Agréger autour des villes

Densifier donc, mais alors pas n’importe où. Uniquement dans les quartiers les plus proches des centres urbains, façon Rocourt, ou des “pôles secondaires” tels que Nivelles, Marche ou Chimay. Tant pis pour les quartiers périurbains existants les plus mal localisés, dans lesquels il conviendrait, selon la chercheuse, de « ne plus investir. Il faut forcer les gens à revoir leurs choix. Le gouvernement wallon estime que 350 000 nouveaux logements devront être construits d’ici à 2040. Profitons-en : contraignons ces développements dans des quartiers déjà urbanisés et densifions les pôles secondaires. L’isolation des habitations existantes est certes nécessaire, mais ses effets immédiats sur le développement durable sont limités si la question de la mobilité n’est pas traitée. Réduire les distances parcourues est un enjeu primordial. »

En considérant quelque 9800 quartiers de la région wallonne, on note que les centres-villes sont marqués par une dépense énergétique pour la mobilité largement inférieure à celle des quartiers périurbains : mieux desservis par les transports en commun, ils permettent aussi à leurs habitants de se déplacer sur de plus petites distances. Pour aller à l’école par exemple. Et même si des changements de mentalités restent impératifs. « En région wallonne, il y a toujours une école primaire à proximité. On remarque pourtant que 67% des élèves wallons continuent de se rendre à l’école en voiture, en dépit des petites distances à parcourir. Le travail de sensibilisation doit donc être poursuivi. »

Patrick Camal

Article complet sur le site www.reflexion.ulg.ac.be (rubrique Terre/environnement)

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