Février 2013 /221

50 années d’architecture moderne liégeoise

La célèbre revue L’Equerre a marqué, avec le groupe éponyme, l’architecture et l’aménagement du territoire en région liégeoise. Défendant des idées modernes, loin de celles en vigueur à son époque, L’Equerre est reconnue comme étant l’une des principales revues d’architecture et d’urbanisme de l’entre-deux-guerres, tant au niveau local, national qu’international. Sébastien Charlier, doctorant au sein du service d’histoire de l’art et archéologie de l’époque contemporaine à l’ULg, a assuré la direction de l’étude critique et de la réédition des numéros du périodique en un seul ouvrage*, lequel a reçu le prix Fernand Baudin 2012.

ExpoEauSeule revue d’avant-garde publiée à Liège en matière d’architecture, L’Equerre est un témoin privilégié du contexte et du mode de production de l’architecture de l’entre-deux-guerres. Dans la dynamique production éditoriale des années 30, elle apparaît comme étant l’une des rares revues pérennes de son époque. Elle fut publiée de 1928 à 1939.

Photo : Exposition internationale de Liège 1939, Le Lido, architectes Yvon Falise, André Kondracki, Hyacinthe Lhoest et Charles Carlier. © Service TIP, D. Daniel, Liège, Centre d’archives et de documentation de la CRMSF, fonds de la ville de Liège

Outre son intérêt historique évident, la réédition de L’Equerre témoigne d’une volonté de réunir une collection dispersée dans plusieurs centres d’archives du pays. « Que ce soit à Liège, dans des bibliothèques spécialisées dans l’architecture ou au niveau international, plus personne ne disposait de la collection complète de la revue », constate Sébastien Charlier, historien coordinateur de la recherche. L’essentiel du fonds a été prélevé dans la bibliothèque des sciences et des techniques de l’ULg. Le reste provient des bibliothèques d’architecture de La Cambre (ULB) et de Sint-Lukas (Bruxelles). Au total, 107 numéros et près de 1200 pages ont été reproduits en fac-similés dans un ouvrage publié aux éditions Fourre-Tout, en partenariat avec la Société libre d’Emulation.

L’Equerre fut lancée en 1928 par cinq étudiants de l’Académie des beaux-arts de Liège. Si elle intègre déjà des textes fondateurs du mouvement moderne, son contenu reste néanmoins principalement satirique. A l’issue du cursus de ses pionniers, la publication de textes fondateurs et de réflexions sur des questions d’urbanisme s’intensifie. Les grandes tendances de l’actualité architecturale au niveau local, européen et mondial sont analysées au profit d’un engagement pour une architecture novatrice et d’une critique radicale de l’architecture liégeoise. « Perpétuellement, les auteurs se plaignent que Liège reste en retrait par rapport aux tendances modernes. » Petit à petit, les membres du groupe se tissent un réseau, non seulement avec les principaux architectes modernes belges (V. Bourgeois, L.-H. De Koninck, etc.), mais très vite aussi avec le monde international et particulièrement avec les Congrès internationaux d’architecture moderne (Ciam), rencontres où se réunissent tous les penseurs du mouvement moderne. De nombreuses idées véhiculées lors de ces congrès sont reproduites et interprétées dans L’Equerre, véritable magazine de propagande pour le mouvement moderne à l’échelon national.

Progressivement, alors que la revue gagne en maturité, ses membres commencent à travailler en tant qu’architectes et créent ensemble une agence d’architecture et d’urbanisme à Liège, également dénommée “L’Equerre”. A partir de 1936, le groupe contestataire se rapproche du pouvoir et ses réalisations gagnent en importance. Les architectes militants réalisent alors de nombreux équipements publics et logements sociaux du bassin liégeois. On leur doit notamment la plaine de jeux reine Astrid, le Palais des congrès ou encore la première étude sur l’implantation de l’université de Liège au Sart-Tilman. Alors que domine dans la Cité ardente une architecture d’inspiration historique, L’Equerre véhicule les idées de la modernité, préconisant un style minimal et fonctionnel.

En 1939, lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, la revue cesse sa parution, alors forte de 107 numéros. L’agence d’architecture continuera pour sa part d’être sollicitée jusqu’à sa faillite, en 1982. A travers la réédition de la totalité de la collection, il est question de la sauvegarde de la mémoire d’un groupe dont la pensée théorique et les réalisations ont marqué le patrimoine liégeois.

Anne-Laure Mignot

Article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Pensée/art)

* L’Equerre. Réédition intégrale – The Complete Edition 1928 – 1939

|
Egalement dans le n°269
Éric Tamigneaux vient de recevoir le prix ACFAS Denise-Barbeau
D'un slogan à l'autre
Résultats de l'enquête auprès de "primo-arrivants" en faculté des Sciences
21 questions que se posent les Belges
Le nouveau programme fait la part belle à l’histoire de la cité
Panorama des jobs d'étudiants