Février 2013 /221

Biosécurité

Limiter le risque de contamination et de persistance des agents pathogènes devient un enjeu majeur. En médecine humaine, c’est principalement la résistance de certaines bactéries aux antibiotiques “classiques” qui retient l’attention. Chez les médecins vétérinaires, le risque d’importer en Europe, des maladies exotiques est une préoccupation essentielle. Entretien avec Marie-France Humblet, logicienne en biosécurité à la faculté de Médecine vétérinaire1, et le Dr Philippe Léonard, du Centre de référence sida au CHU, titulaire d’un cours en médecine tropicale.

HumbletMarieFranceLe 15e jour du mois : Que recouvre exactement le terme de biosécurité ?

Marie-France Humblet : La biosécurité entre autre, c’est la mise en place de mesures visant à réduire le risque d’introduction dans des exploitations d’agents pathogènes et de diffusion de ceux-ci en dehors. C’est aussi les mesures qui préviennent le risque de contamination de l’homme et qui réduisent la persistance des agents pathogènes dans l’environnement.

Par contamination, on entend la propagation de la maladie d’un individu à l’autre : si une vache souffre de fièvre aphteuse, elle peut contaminer ses congénères dans la ferme. Cela concerne également les maladies qui peuvent être transmises des animaux à l’homme, comme la rage entre autres. Par persistance dans l’environnement, on pense principalement à la survie de l’agent pathogène qui peut dépendre des conditions d’humidité, de température ou d’ensoleillement notamment.

Le 15e jour : Pourquoi attirer l’attention sur la biosécurité à l’Université ?

M.-F.H. : Nos chercheurs et nos étudiants sont appelés à se rendre dans des régions où des maladies animales très contagieuses, comme la fièvre aphteuse par exemple, sévissent encore. En l’absence de précaution, le risque de “ramener” une telle maladie en Belgique est réel. Cette thématique était le coeur de notre première journée biosécurité qui s’est tenue en faculté de Médecine vétérinaire en janvier dernier : sensibiliser les personnes se rendant à l’étranger, non seulement aux risques représentés par les maladies exotiques, mais aussi au rôle que ces personnes pourraient jouer, comme “vecteur” ou “transporteur” dans l’introduction d’une maladie animale exotique dans notre pays. Les médecins vétérinaires sont particulièrement concernés pas un tel risque mais bien d’autres disciplines le sont aussi : sites de fouilles archéologiques, bibliothèques, chantiers à l’étranger, etc. Un folder récapitulant quelques mesures de base à respecter sera d’ailleurs très prochainement mis en ligne sur le site de biosécurité de la faculté de Médecine vétérinaire2.

Le 15e jour : Quels conseils donnez-vous en priorité ?

M.-F.H. : Sur place, il faut limiter les contacts avecles animaux d’élevage ou sauvages. Lorsque ce contact ne peut être évité, il faut s’équiper de protections (salopettes et bottes propres à l’exploitation, gants jetables) afin d’éviter que les vêtements soient contaminés par des agents pathogènes. Au retour, vider sa valise dans un espace restreint, facilement décontaminable. Lors du nettoyage des vêtements, privilégier les hautes températures, le séchage au soleil et repasser au fer très chaud afin de tuer les oeufs et larves de parasites et d’insectes. Il est toujours déconseillé d’emmener son animal de compagnie dans certains pays et, de toute façon, indispensable de vérifier qu’il soit en ordre de vaccination. Enfin, il est primordial, et on l’oublie parfois, de ne pas ramener de denrées alimentaires indigènes ou sous-produits animaux tels que plumes ou fourrures.

1 Dépendant du service universitaire de protection et d’hygiène au travail (SUPHT).
2 Site www.fmv-biosecurite.ulg.ac.be

LeonardPhilippeLe 15e jour du mois : Quels sont les risques majeurs en matière de biosécurité ?

Philippe Léonard : A l’origine, les antibiotiques sont des substances naturelles produites par des bactéries ou des champignons qui sont alors utilisées pour empêcher le développement trop important des autres bactéries nuisibles. Depuis longtemps cependant, on note un phénomène de résistance de certaines bactéries, ce qui n’est en fait chez elles qu’une adaptation leur permettant de survivre dans un environnement hostile. Le fait est que cela aboutit à des germes résistants, difficiles à traiter, parfois fatals pour l’organisme. On en trouve dans les hôpitaux, dans les maisons de revalidation et dans les maisons de repos. On commence en outre à en voir aussi dans notre patientèle régulière, en dehors de tout contexte d’hospitalisation.

Je précise que le fait qu’elle soit résistante n’implique pas que la bactérie soit plus agressive; simplement, il faudra avoir recours à des traitements le plus souvent uniquement disponibles par injection intraveineuse à l’hôpital. L’apparition de ces bactéries résistantes est liée à une utilisation mauvaise et excessive des antibiotiques en médecine humaine, en médecine vétérinaire ainsi que dans l’agriculture.

Le 15e jour : Comment réagit le CHU ?

Ph.L. : Plusieurs stratégies y ont été élaborées. Ainsi, le comité d’hygiène hospitalière – obligation légale pour tout hôpital – va, entre autres choses, surveiller l’apparition de bactéries résistantes, élaborer des procédures de dépistage et de prise de précautions ensuite, et ce afin d’éviter la dissémination de ces éléments pathogènes. Ces activités sont grandement facilitées aujourd’hui par l’utilisation du dossier médical informatisé.

Créé au sein du CHU, le Groupe de gestion de l’antibiothérapie (GGA) élabore des recommandations thérapeutiques. Il est aidé par l’équipe des infectiologues et est au service du corps médical dans son ensemble. Le GGA est chargé, en particulier, de développer, exécuter et évaluer des initiatives visant à limiter l’utilisation excessive d’antibiotiques, y compris en promouvant des médicaments anti-infectieux. Il organise la formation continue au sein de l’hôpital pour le personnel médical, infirmier et soignant en ce qui concerne le diagnostic, la microbiologie, l’épidémiologie des infections et les principes du traitement approprié des maladies infectieuses. C’est aussi le GGA qui gère un système de suivi de la consommation en médicaments anti-infectieux et en informe le président du conseil médical, notamment.

Le GGA rédige en outre un “antibioguide” pour des recommandations sur les traitements empiriques ou ciblés en fonction des antibiotiques disponibles au sein de l’Institution. Par ailleurs, une équipe d’infectiologues assure une permanence 24h/24 et 7j/7. Ces médecins travaillent en collaboration avec les unités de soins où des hémocultures positives ont été dépistées et discutent avec les médecins responsables des patients sous traitement antibiotique, etc. Notons qu’une politique de prescription rationnelle des antibiotiques en milieu hospitalier a démontré dans plusieurs études avoir un impact positif sur l’émergence de bactéries résistantes.

Propos recueillis par Marc-Henri Bawin

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