Mars 2013 /222

Un colloque sur la representation du continent africain

Moi_non-plus_j_veux_pasInspiré d’un célèbre vers répété par le poète afro-américain Countee Cullen, “What is Africa to me now ?” est le titre du colloque organisé les 21, 22 et 23 mars par le Centre d’enseignement et de recherche en études postcoloniales (Cerep). Cet intitulé donne une indication éclairante sur le genre de réflexion qui animera les débats. « Il s’agira d’interroger la représentation du continent africain que proposent des auteurs et des artistes contemporains issus de la diaspora africaine », suggère Bénédicte Ledent, professeure de l’ULg qui enseigne notamment la littérature anglaise postcoloniale et qui organise le colloque conjointement avec Daria Tunca, première assistante et également membre du Cerep, spécialisée quant à elle dans la littérature africaine. « Pour le dire autrement, quelle image de l’Afrique est offerte par les artistes de la diaspora ? En quoi diffère-t-elle des images misérabilistes souvent véhiculées par les médias occidentaux ? Ce sont toutes des questions que nous espérons voir abordées, sans pour autant prétendre y apporter des réponses définitives. Au contraire : le rôle de la littérature, et à notre sens de la critique littéraire, est d’ouvrir le débat plutôt que d’imposer des solutions toutes faites », précisent-elles de concert.

Ici et ailleurs

La question de l’identité (ou des identités), qui taraudait déjà le poète Cullen au début du XXe siècle et « dont l’intérêt demeure intact dans nos sociétés multiculturelles » aux dires de Bénédicte Ledent, sera une porte d’entrée parmi d’autres à cette réflexion orientée sur la littérature, mais également sur d’autres arts tels que la photographie en particulier. « En littérature, poursuit-elle, la production des écrivains d’origine africaine, qu’ils soient issus de l’ancienne ou de la nouvelle diaspora, a été reconnue pour son dynamisme et son originalité exceptionnelle, et, sans surprise, a attiré l’attention des chercheurs du monde entier. On remarque cependant deux choses : d’une part, que les travaux sur l’ancienne diaspora, notion très large qui désigne les descendants d’esclaves notamment en Amérique du Nord et aux Caraïbes, font souvent l’impasse sur l’héritage africain des auteurs et leur perception de celui-ci ; d’autre part, que la représentation proposée par les écrivains de la nouvelle diaspora, qui se distinguent par le fait d’être nés en Afrique puis de s’être exilés (pour suivre des études en Europe, par exemple), est rarement évaluée sous l’angle de leur nouvelle position géographique – la tendance étant plus à la déterritorialisation. Bref, certaines approches méritent d’être explorées plus en détail. » Le colloque, comprenant plusieurs sessions à la fois accessibles au grand public et au cercle académique, comptera plus d’une cinquantaine d’interventions (en anglais) abordant ces questions de représentation sous des angles divers.

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Trois écrivains contemporains aux trajectoires singulières, dont les écrits sont au programme de cours de littérature dispensés en langues et littératures modernes, seront présents pour nourrir les débats : Jackie Kay, une Ecossaise de père nigérian adoptée par des parents blancs, qui aborde dans son oeuvre le thème du retour aux origines (réel ou imaginaire); Caryl Phillips, né aux Caraïbes, qui a grandi en Angleterre, vit actuellement aux Etats-Unis et dont « les écrits évoquent notamment la société esclavagiste, la complexité identitaire, la multiculturalité », selon Bénédicte Ledent, auteure d’un ouvrage sur l’écrivain ; Chika Unigwe, née au Nigeria, qui vit en Belgique depuis plusieurs années et « qui explore dans son oeuvre les difficultés aussi bien matérielles qu’émotionnelles liées à l’immigration, comme en témoigne son roman On Black Sisters’ Street, qui retrace le parcours de quatre prostituées africaines à Anvers », précise Daria Tunca, dont les travaux portent en partie sur cette écrivaine.

Entre mythe et réalité

NearPatriceLumumbaUniversityOù se situe l’imaginaire des écrivains diasporiques ? Relève-t-il du mythe (« certains auteurs parlent de l’Afrique sans jamais l’avoir visitée ») ou de la réalité ? Sous la plume des écrivains, l’Afrique est-elle romantique, exotique, métaphorisée, réaliste ? Participent-ils malgré eux à véhiculer des stéréotypes sur ce continent, une perception de celui-ci comme d’un bloc monolithique alors qu’il recouvre des réalités disparates ? « Le rôle de l’éditeur dans cette problématique sera également interrogé, avec l’intervention d’une éditrice d’origine africaine, du nom d’Ellah Allfrey. Elle travaille au Royaume-Uni – où le monde de l’édition est très majoritairement blanc – au sein d’un magazine de renom : Granta. Le choix des photos pour illustrer les couvertures, souvent indépendant de l’écrivain ainsi que la constitution d’un glossaire à l’usage des lecteurs sont autant d’éléments forgeant ou renforçant certaines représentations », ajoute le Pr Ledent.

Citons pour finir une intervention consacrée au genre futuriste qui encore assez peu répandu dans la littérature diasporique (« on associe d’ailleurs souvent l’Afrique au réalisme », notent les organisatrices) apparaît dans sa substance quasi comme le contrepoint d’une vision médiatique nous livrant presque invariablement l’image d’un continent rongé par les guerres, la famine et les régimes dictatoriaux, ce qui l’engonce bien souvent dans les problèmes du présent.

Michaël Oliveira Magalhaes
Photos : © Johny Pitts

What is Africa to me now ?

Colloque du 21 au 23 mars, à la salle des professeurs, place du 20-Août 7, 4000 Liège.

Contacts : courriel africatomenow@gmail.com, site www.l3.ulg.ac.be/africatomenow/

En marge du colloque, une exposition de photographies de l’artiste anglais Johny Pitts, extraites de sa série “Afropean Culture”, aura lieu, du 21 au 29 mars, place du 20-Août, 4000 Liège.

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