Mars 2013 /222
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La fiscalité régionalisée et décentralisée

BourgeoisMarcMarc Bourgeois est professeur de droit fiscal à la faculté de Droit et Science politique. Sa thèse de doctorat, soutenue en 2007, s’intitulait “Contribution à l’étude de la notion d’impôt en droit belge. Contours, singularité et utilité d’un concept juridique”. C’est dire s’il avait déjà le profil pour devenir, en 2012, coprésident du Tax Institute (avec Alain Jousten et Isabelle Richelle de HEC-ULg).

Spécialiste reconnu en la matière, Marc Bourgeois a fait partie du groupe des quatre professeurs d’université désignés par Wouter Beke – alors négociateur royal – chargés d’évaluer la pertinence juridique des propositions de réforme de la loi spéciale de financement des Communautés et des Régions dans le cadre de la 6e réforme de l’État en cours de négociation. Il est également directeur du master complémentaire en droit fiscal de l’ULg et coresponsable académique du certificat interuniversitaire en finances publiques. Le 14 mars, à l’occasion d’un colloque* sur “Les taxes communales et leurs principes généraux”, il lancera une nouvelle revue scientifique dont il est le rédacteur en chef : la Revue de fiscalité régionale et locale, publiée par les éditions Larcier. Présentation.

Le 15e jour du mois : Est-ce l’actualité qui vous a convaincu de lancer cette revue ?

Marc Bourgeois : Oui. Alors que la Flandre dispose d’une publication sur la fiscalité tant régionale que communale (Lokale & Regionale Belastingen), le sud du pays n’a pas d’outil équivalent à cette matière. Or, dans la mesure où la fiscalité va se régionaliser davantage encore, non sans poser de délicates questions d’ordre juridique, il devient important de se doter d’un instrument de réflexion, d’analyse, voire de prospective dans ce domaine sensible. En effet, si on regarde un peu l’historique de notre système fiscal, on constate que les ressources régionales et communales proviennent principalement des centimes additionnels, des taxes en tout genre et des redevances.

Conformément au souhait du gouvernement de conférer aux régions leur autonomie fiscale, les Régions flamande, bruxelloise et wallonne bénéficient déjà de prérogatives étendues (précompte immobilier, droits de succession, taxe de circulation, etc.). Cependant, la 6e réforme de l’Etat prochainement mise en oeuvre ira plus loin encore puisque l’impôt des personnes physiques (IPP) sera également régionalisé. En outre, les Régions bénéficieront de l’exclusivité de compétence pour toute une série d’avantages fiscaux accordés aujourd’hui par l’Etat fédéral (réduction pour les titres-services, réduction lors de l’achat d’une maison, etc.). Cette actualité explique, pour une part, le lancement de la Revue de fiscalité régionale et locale : il y urgence à appréhender toutes ces questions de manière scientifique.

Le 15e jour : Quel sera son contenu ?

M.B : Les articles concerneront la fiscalité belge de manière prioritaire, mais certaines contributions évoqueront aussi le droit européen qui s’impose de manière progressive à l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne (UE). Je précise que la revue, même si elle est d’initiative liégeoise, ouvrira ses colonnes aux collègues des autres institutions belges. La composition de ses comités éditorial et scientifique traduit d’ailleurs parfaitement son caractère pluridisciplinaire et son ouverture aux contributions de qualité.

Pour répondre à votre question, une première partie de la revue sera consacrée aux études de doctrine tant sur des matières de fiscalité locale que sur les finances publiques ; la seconde fera le point sur la jurisprudence récente. Les tribunaux sont en effet de plus en plus fréquemment confrontés à des litiges portant sur la fiscalité des communes et des provinces ; certains citoyens interrogent même les raisons d’être de l’autonomie fiscale locale et posent la question de ses limites. Or elle est acquise dans notre Constitution depuis 1831 ! Accrue, elle pourrait parvenir à renverser le célèbre slogan “No taxation without representation” en “No representation without taxation”… Mais les principes généraux sont imprécis. D’où l’intérêt d’une revue indépendante qui devrait intéresser à la fois les avocats, les magistrats, les conseillers fiscaux, les experts-comptables, les administrations communales et provinciales et les mandataires politiques de manière générale.

D’autant que les sujets de controverses sont légion. Prenons le cas de la vignette automobile, véritable Arlésienne. A l’heure actuelle, ce sont les Régions qui ont la charge – coûteuse – des infrastructures autoroutières. Depuis plusieurs années, le gouvernement estime qu’il faut que tous les utilisateurs de ces routes et autoroutes participent à leur financement, à l’instar de ce que font la France, l’Autriche et la Suisse par exemple. Le but est de faire payer une vignette à ceux qui ne sont pas déjà concernés par une “taxe de circulation” belge, soit de réclamer le montant de cette vignette aux “non-résidents en Belgique”. Mais l’UE émet beaucoup de réserves sur la légalité du processus et, en outre, cette question oppose le gouvernement flamand qui plaide pour que la vignette soit considérée comme un impôt et les gouvernements bruxellois et wallon qui préfèrent la redevance...

Le 15e jour : Colloque et revue sont-ils des émanations du Tax Institute ?

M.B. : Oui, car l’objectif principal de l’Institut est de stimuler et de promouvoir la recherche dans le domaine de la fiscalité et des finances publiques sous tous leurs aspects. Aussi encourage-t-il la recherche pluridisciplinaire impliquant les juristes, les économistes, les gestionnaires et, plus généralement, tous les scientifiques et praticiens de disciplines pouvant toucher directement ou indirectement à la fiscalité et aux finances publiques.

L’Institut a déjà publié, en 2011, un ouvrage collectif dédié au Pr Jean-Pierre Bours. Il a organisé plusieurs colloques dont un, en janvier 2012, sur les nouvelles mesures fiscales (“Un nouveau gouvernement, une première réforme fiscale”) et le 7 mars dernier, un colloque sur le thème du “Compte courant dans la vie des affaires – aspects juridiques, fiscaux et comptables. Les pièges à éviter”. Le Tax Institute est aussi impliqué dans certaines activités d’enseignement et d’encadrement doctoral à l’université de Kinshasa en République démocratique du Congo.

Outre la revue, plusieurs projets sont encore envisagés dans un futur proche : la rédaction d’un ouvrage collectif consacré à la convention préventive de la double imposition belgo-luxembourgeoise, l’organisation d’une journée d’étude à l’occasion du 50e anniversaire du Code des impôts sur les revenus, ou encore l’organisation d’un colloque sur la gestion fiscale des investissements en Chine, au Brésil et en Inde.

Propos recueillis par Patricia Janssens
Photos : © J.-L. Wertz

* Colloque “Les taxes communales et leurs principes généraux”, le jeudi 14 mars à 13h30, au Moulin de Beez, auditorium, rue du Moulin de Meuse 4, 5000 Namur.

Contacts : tél. 010.48.25.65, site www.larcier.com

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