Avril 2013 /223
TypeArt

Syngué sabour – Pierre de Patience

Un film de Atiq Rahimi (2013)
Avec Golshifteh Farahani, Hamidreza Javdan, Hassina Burgan, Massi Mrowat
A voir aux cinémas Le Parc, Churchill et Sauvenière

Au pied des montagnes de Kaboul, une femme veille le corps de son mari, blessé d’une balle dans la nuque par l’un des hommes de sa milice. Perdu dans un coma profond, il devient le choeur des prières de sa jeune épouse, en même temps que son confessionnal silencieux. Dans la pièce résonnent confidences, souffles courts et pleurs étouffés, contrastant avec le vacarme inévitable laissé au dehors par toute guerre fratricide vécue de l’intérieur. Dans un corps à corps inégal, la femme se révèle petit à petit, sort de son propre silence, en le renvoyant, par la même occasion, à son mari gisant dont elle ne cesse de s’occuper. Une nouvelle intimité naît alors. L’homme devient sa syngué sabour, sa pierre de patience, une pierre magique qui, selon les croyances, est destinée à recevoir tous les secrets, pour le meilleur et pour le pire.

Au moment de la sortie du livre dont ce récit est tiré, les avis furent divisés, malgré un certain enthousiasme critique. Auréolé d’un prestigieux prix Goncourt, le roman d’Atiq Rahimi présente à la fois toutes les attentes possibles, entre potentialités entendues et déceptions attendues, au moment de passer dans les salles obscures. Aujourd’hui porté à l’écran par son auteur, aidé par Jean-Claude Carrière, routinier d’adaptations dans les cordes et usinier de la plume à l’écran, le projet a de quoi susciter toutes les curiosités. L’écriture en langue française de l’auteur d’origine afghane présente en effet des qualités notables, à la fois pleinement littéraires et en même temps pleines de promesses visuelles (Atiq Rahimi a défendu une thèse de doctorat en audiovisuel à la Sorbonne, après avoir fui la guerre faisant rage dans son pays). Une dualité qui rendait, avant toute autre considération, l’exercice périlleux.

L’écriture fluide et haletante comme le souffle d’un songe, hachée, répétée, coupée et reprise, une fois transcrite à l’écran, trouve des affinités avec le procédé même du montage, répétition du mouvement, répétition du regard tantôt porté, tantôt subi (celui d’Atiq Rahimi est à coup sûr aussi délicat que le geste plein de soin d’une femme dans l’ambivalence de sa révélation). La rencontre évite les dangers du monologue intérieur, de la littérarité transposée. La parole y est à sa juste mesure, en harmonie avec le langage cinématographique qui peut ici développer toutes les dimensions de sa subtilité. Jusqu’à ce que vienne le moment, pour le spectateur, de sortir de sa torpeur, retrouver son souffle, questionner ces quelques songes et silhouettes animés, rattraper l’habitude d’un regard d’abord aveuglé par la lumière retrouvée.

Renaud Grigoletto

Si vous voulez remporter une des dix places (une par personne) mises en jeu par Le 15e jour du mois et l’asbl Les Grignoux, il vous suffit de téléphoner au 04.366.48.28, le mercredi 24 avril de 10 à 10h30, et de répondre à la question suivante : en quelle année le roman d’Atiq Rahimi a-t-il remporté le prix Goncourt ?

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