Avril 2013 /223

Ingénieur de projets, concours pédagogique

Le système éducatif universitaire nord-américain, notamment dans des facultés telles que les sciences humaines ou politiques, met l’étudiant en centre de ses apprentissages et veille à ce qu’il articule les savoirs et les compétences entre les différents cours. Certains d’entre eux comportent un volet théorique qu’il faut appliquer dans une étude de cas précise. Un cours de gestion de projets, par exemple, demande à ce que l’étudiant investisse ou crée un projet pour ensuite l’évaluer à court, moyen et long terme afin de confronter théorie et pratique. « En Belgique, on reste fort sur le contenu théorique, on est peu acteur de ses apprentissages et les projets sont généralement moins articulés entre différentes matières », compare Jessica, jeune diplômée de l’ULg qui a complété son cursus à l’université de Montréal.

De la théorie à la pratique, en équipe

Marcel Pagnol avait osé dire : « Il faut se méfier des ingénieurs, ça commence par la machine à coudre, ça finit par la bombe atomique. » Certes, notre faculté de Sciences appliquées ne prévoit pas d’ourdir à elle seule un complot contre le système pédagogique universitaire, mais l’objectif pédagogique du concours “Ingénieur de projets” s’inscrit dans la veine anglosaxonne. Créé en 2009 par les étudiants et relancé au début de cette année académique par la Faculté, le concours a l’ambition de perpétuer l’excellence scientifique et technique, tout en renforçant le développement des compétences transversales nécessaires à la gestion des défis complexes d’aujourd’hui. Il est donc question de “pédagogie par projets”, une pratique active qui permet de générer des apprentissages à travers la réalisation d’une production concrète. Un concept appliqué dans les systèmes scolaires primaires et secondaires de type Freinet et qui tend maintenant à percoler dans certaines Hautes Ecoles et Universités.

Pendant 14 mois, une cinquantaine d’étudiants-participants sont placés en situation réelle de gestion d’un projet technique, allant de la recherche de l’idée à la démonstration publique, en passant par les phases de conception, de dimensionnement, de prototypage, de perfectionnement et de fabrication. Avec, à leur disposition, les moyens techniques et humains de la Faculté ainsi qu’un soutien du service de psychologie sociale des groupes et des organisations (PSGO) en ce qui concerne les aspects méthodologiques et le dynamique de groupe. Une formation interne à la planification du travail et à la communication scientifique écrite et orale est dispensée en complément.

Pour accentuer le caractère pluridisciplinaire du projet, chaque équipe est composée d’étudiants provenant de filières et d’années différentes. Chaque groupe est alors amené à poursuivre son projet en respectant des contraintes de budget, de temps, de moyens de fabrication, d’informations et d’organisation. Avec, à la clé pour les gagnants, quelques centaines d’euros, parfois transformés en bons d’achat. « Il s’agit d’un concours et non pas d’un cours », insiste d’emblée Patricia Tossings, coordinatrice de l’activité, avant de souligner que l’importance ne réside pas dans la contrainte ou la récompense mais dans la seule motivation des étudiants à apprendre et à acquérir des outils supplémentaires et dans la perspective de pouvoir ajouter une ligne à leur curriculum vitae. « Le projet entre en résonnance avec ce que l’on demande aux ingénieurs dans le monde professionnel, lesquels sont confrontés, par la société ou l’entreprise, à la recherche de solutions. Le mélange des années et des filières pour une collaboration faisant appel à des bagages techniques de niveaux différents constitue un réel atout qui s’inscrit dans une dimension assez rare où l’on apprend aussi le leadership, souligne le doyen Robert Charlier. Etant entendu que les étudiants de 1er master sont naturellement les piliers d’“Ingénieur de projets” puisqu’ils disposent de connaissances importantes sans être aussi occupés que leurs homologues de dernière année, absorbés par leur travail de fin d’études parfois assaisonné d’un séjour Erasmus.

Flexibilité et créativité

Concrètement, les étudiants s’attellent à la construction de barrages, de véhicules motorisés à basse consommation… ou de bras articulés entièrement commandés grâce à une caméra braquée sur le bras de l’opérateur. Carmelo di Nolfo, étudiant de 1er master, option électricité, fait partie de ce dernier projet qu’il conçoit comme un loisir : « C’est optionnel mais je pense que le cursus devrait davantage tendre vers cela. On met les mains dans le cambouis et cela nous permet de dépasser les aspects purement théoriques pour nous confronter, par exemple, aux imperfections et aux influences extérieures. Dans la réalité de la conception de notre bras articulé, on doit tenir compte de la vitesse d’acquisition limitée de la caméra ou des mauvais éclairages parasitaires. Tout cela nous apprend à être flexibles et créatifs…, ce que la théorie ne nous indique pas. En étant confronté à des problèmes concrets, j’ai un peu l’impression de recommencer les études d’une autre façon : on se mue en concepteurs. C’est plus motivant de réaliser quelque chose, de contribuer à son exécution. »

Fabrice Terlonge

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